Depuis quelques années, les invendus alimentaires et les surplus de la grande distribution sont donnés à des associations. Cette démarche est destinée à limiter le gaspillage, tout en fournissant une aide aux plus démunis. Système optimal… ou défaillance structurelle ? Que révèle ce processus d’aide alimentaire, dans une société aussi inégalitaire que la nôtre ?
Depuis quelques années, la Belgique a légiféré pour permettre aux grandes surfaces de mettre leurs invendus (principalement alimentaires) à la disposition d’associations caritatives.
Cette démarche, qui se pratiquait déjà de manière volontaire dans certains cas, a été facilitée par des mesures légales, telle que l’exemption de la TVA sur les dons alimentaires.
Le but : limiter les pertes alimentaires, tout en faisant œuvre de bienfaisance vis-à-vis des personnes dans le besoin.
L’impression générale est que tout le monde y gagne : moins de déchets, moins de gaspillage d’un côté ; des produits en plus grande quantité et plus variés de l’autre. Tous les acteurs de terrain concordent : ce système permet de fournir des milliers de colis supplémentaires et d’approvisionner en conséquence les familles qui ont recours à une aide alimentaire (les produits sont également plus diversifiés et il est désormais possible de proposer des produits frais).
Notons que les besoins sont énormes ! Les chiffres fournis par les Banques Alimentaires parlent d’eux-mêmes : le nombre de personnes aidées est passé de 122 125 personnes en 2013 à 143 287 en 2016 (soit une augmentation de 17,3 % en trois ans). Les Banques Alimentaires soulignent qu’« une telle évolution ne s’est jamais vue » depuis leur création, c’est-à-dire depuis trente ans !
La presse a salué unanimement la démarche de proposer les invendus à ce type d’organismes. Chez les politiques, même enthousiasme. Ainsi, Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi, se réjouit que « grâce à l’élan des 16 enseignes Lidl du grand Charleroi avec l’ASBL Opération Faim et Froid, on peut dire que, dans le paysage de Charleroi presque plus rien ne sera gaspillé. C’est une excellente chose pour des centaines de familles. »
Enfin, la grande distribution semble jouer le jeu de manière volontariste. Le groupe Colruyt « donne ses invendus toujours consommables aux banques alimentaires depuis 1997 », soit via son centre logistique à Hal, soit directement via certains magasins. Carrefour (Belgique) nous informe également de sa volonté de « se démarquer », en matière de développement durable, « en étant solidaire avec les défavorisés de notre société. » L’entreprise estime qu’il est de son devoir « de consacrer suffisamment d’attention aux plus démunis. C’est la raison pour laquelle Carrefour met gratuitement des produits alimentaires à la disposition des nécessiteux. »
Un système où tout le monde gagne, en somme… ? Pourtant, de nombreuses questions subsistent.
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