Les monnaies citoyennes se développent un peu partout en Belgique. Si nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre comment elles fonctionnent et quelles valeurs elles véhiculent, leur rôle dans la transition vers un autre modèle économique reste abstrait. La monnaie citoyenne est-elle réellement un outil de transformation de l’économie ?
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Le déploiement du mouvement des villes et villages en Transition, le discrédit grandissant que connaissent les institutions politiques et économiques traditionnelles, l’envie de participer à un projet concret et le succès du film « Demain » contribuent à la multiplication des monnaies locales ou citoyennes dans nos villes et campagnes. Au point qu’il devient pertinent de s’interroger sur le pouvoir réel que peut exercer ce type d’initiative sur notre économie. Certains, déjà sensibilisés à la consommation locale et responsable, estiment ne pas en avoir besoin. La monnaie citoyenne n’est-elle qu’un coup de pouce à l’économie locale ou peut-elle être un réel outil de transition vers une économie différente ?
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Notre confiance en un système monétaire basé sur une seule grande monnaie repose sur deux hypothèses implicites. La première est que nous n’avons besoin que d’une seule monnaie, et la seconde que la monnaie est un instrument d’échange neutre.
Concernant la première hypothèse, la « monoculture monétaire » n’est pas souhaitable parce qu’elle rend le système économique fragile. Si le système en euros ou en dollars peut être considéré comme efficace dans une économie mondialisée basée sur l’exploitation des énergies fossiles et qui ne prend pas en considération les gaspillages et la destruction des ressources, il est en même temps très fragile. Un couac et tout le système économique s’effondre comme un jeu de dominos. L’histoire économique en est pleine d’exemples.
Si les spéculateurs qui jouent dans le grand casino qu’est la bourse et les « simples citoyens » qui vivent de l’économie réelle partagent une seule et même monnaie, il suffit que les premiers perdent au jeu pour que les seconds se retrouvent aussi en difficulté… C’est ce qui s’est notamment passé en 2008 avec la crise bancaire. Par contre, si différentes monnaies coexistent, il n’y a plus de dépendance à un seul outil d’échange. Les échanges économiques auraient donc la possibilité de se poursuivre grâce à d’autres outils et les économies locales et réelles auraient plus de chances de résister aux chocs provoqués par l’économie spéculative, mondialisée et dépendante du pétrole.
Pour ce qui est de la deuxième hypothèse, la neutralité de la monnaie est une illusion. Il suffit de se demander qui crée la monnaie, qui la gère, en quelle quantité elle est diffusée, s’il y a un taux d’intérêt qui lui est adossé ou, entre autres, si on peut l’accumuler. Par exemple, la réponse à cette dernière question nous dit que, puisque l’euro peut être thésaurisé, cela peut ralentir sa vitesse de circulation, extraire durablement des euros des circuits économiques et permettre la concentration des richesses. On se rend ainsi compte que les comportements économiques, la nature des échanges, la période des investissements, la vitesse à laquelle la monnaie circule et la relation entre les gens et à la monnaie elle-même varient selon les règles de fonctionnement d’une monnaie.
Ce sont donc bien les règles de fonctionnement d’une monnaie qui influencent le comportement économique. La monnaie n’est pas un outil neutre et diverses monnaies peuvent être créées pour induire différents comportements économiques.
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