Depuis plus d’un an, la « crise des réfugiés » s’enlise. Comment les médias de masse gèrent-ils le flux d’informations à ce sujet ? Quelle responsabilité ont-ils dans la formation de l’opinion publique ?
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Dans leur quête désespérée d’audimat ou de lectorat, les grands médias usent et abusent de slogans, de phrases-chocs et d’images fortes. La « crise des réfugiés » leur fournit tous les éléments pour faire fonctionner la machine à sensation : histoires poignantes, portraits expressifs, dramaturgie et (quand même aussi) enjeux de société à analyser.
Pourtant, on constate un gouffre béant dans le traitement des différents drames humains. Lorsque des attentats sont survenus à Bruxelles, massacrant de manière vile et lâche 32 victimes innocentes , les journaux y ont consacré un nombre substantiel de pages spéciales les jours suivants. Quand un nombre à peu près équivalent de migrants – tout aussi innocents – périt en mer Méditerranée, et ce de manière récurrente, cela fait à peine l’objet de brèves ou d’articles isolés. Le facteur de proximité joue indéniablement, et on le comprend. Mais combien de victimes faut-il pour rééquilibrer l’attention médiatique accordée à ces morts atroces ? Exception faite de deux drames survenus au large de l’île de Lampedusa (en 2013 et 2015) et du cas tristement célèbre du petit Aylan, l’information à ce sujet se noie dans une banalisation sans nom. Restent les chiffres, glacials comme les flots : entre 2000 et 2015, plus de 22 000 personnes ont perdu la vie en tentant de gagner l’Europe.
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Souvent, dans les grands médias, les migrants sont réduits à l’état passif : ils deviennent, au pire, un danger dont il faut se méfier ; au mieux, des victimes suscitant la pitié… Dans un cas comme dans l’autre, l’approche paraît pour le moins réductrice.