Il pleut. Il fait gris. C’est l’hiver. Pas un de ces hivers froids et secs tels qu’on peut les vivre au sommet des fagnes, au Mont-Rigi par exemple, mais un hiver tempéré, pluvieux, humide.
La « Green Valley » n’aura jamais aussi bien porté son nom, tiens. Mais c’est au cœur de celle-ci que réside la future personnalité verviétoise de l’année 2016 [1] , un rayon de soleil au sein de la militance liégeoise : le très fameux Luc Hollands.
Cette année, les Alter’actifs ont décidé d’établir leur campement dans les gîtes Hollands le temps de leur week-end de formation qui, de l’avis général, fut une franche réussite ! Le cadre lui-même a contribué activement à stimuler les corps et les esprits, malgré un temps à se flinguer. En effet, la ferme Hollands convertie au bio en 2009 est un acteur-témoin de premier ordre des alternatives dont notre monde, gavé à l’idéologie « TINA », a cruellement besoin. La journée du samedi a débuté avec la visite de l’établissement. Luc Hollands a, une fois encore, pu nous démontrer toute la puissance de son témoignage, qui fait se rencontrer la sensibilisation, les alternatives de consommations et l’action directe. Un agriculteur militant, un programme en soi révolutionnaire…
C’est par « le service maternité » de la ferme que nous débutons concrètement le tour du propriétaire. Ce fut l’occasion de revenir sur les débuts de son parcours d’éleveur. Fils de fermier, Luc reprend définitivement les rênes de la ferme familiale en 2004, année où il décide de ne plus se consacrer qu’à l’élevage de vaches laitières. C’est d’ailleurs à l’endroit-même où son père élevait autrefois des cochons que se dressent aujourd’hui les gîtes « Green Valley ». Ceux-ci, outre les particuliers, accueillent chaque année des dizaines de classes vertes dans le cadre du programme de « ferme pédagogique ».
La foire alternative commence en 2009. Il faut dire que le contexte appelle au changement : la libéralisation du marché, c’est-à-dire en réalité la suppression d’une quelconque limite à l’offre, entraîne une crise du lait et une guerre de concurrence inévitable entre producteurs. Luc Hollands avait participé à l’événement très médiatisé du déversement d’environ quatre millions de litres de lait à Ciney [2], afin de dénoncer les prix de vente bien trop bas. C’est à peu près à ce moment-là que Luc a décidé de passer au bio. Après une période assez difficile de trois à quatre ans, phase de transition nécessaire au recyclage des sols, il est maintenant convaincu que pour être viable, l’abandon des méthodes industrielles, ses engrais chimiques, son soja et maïs OGM est une nécessité. Notre éleveur observe des meilleurs rendements en considérant tout le circuit de la production, des vaches en bien meilleure santé, et une bien meilleure qualité laitière. Cela confirme que les alternatives sont (presque) toujours en lien avec des revendications politiques. Dans le cas de Luc, cette revendication est clamée haut et fort. Il fait partie du syndicat européen des producteurs de lait, l’EMB [3], ainsi que du MIG Belgique [4], au sein desquels il se mobilise pour des conditions de production plus justes et équitables. Enfin, Luc Hollands évoque le programme de la coopérative Fairebel [5], qui unit des fermiers belges et luxembourgeois. Le chemin est véritablement tortueux pour pouvoir mettre sur pied un label qui garantisse à la fois le respect de la qualité du produit et la juste rétribution des producteurs de lait, dans un monde de concurrence, et donc de compétition exacerbée !
Après nous avoir parlé de son travail au quotidien, qui s’étale entre 5h du matin et 9h du soir, Luc nous explique son engagement au sein de l’Alliance D19/20 [6], une plateforme militante dirigée contre le TTIP et les traités de libre-échange. C’est l’occasion de revenir sur diverses actions musclées aux quartiers européens de Bruxelles, mais également sur le récit croustillant d’un encerclement de tous les ministres de l’agriculture européens en visite chez un fermier du Luxembourg, à l’occasion d’un sommet pour l’agriculture. Luc Hollands se fait alors l’avocat d’action directe visant les responsables eux-mêmes des mesures politiques désastreuses. Victimes des rouages très complexes de la bureaucratie technocrate européenne, les militants ne savent plus comment mener des actions percutantes et concluantes ! Il faudrait donc viser les individus qui portent ces institutions, et les mettre directement face à leurs responsabilités. À ce propos, notre hôte évoquait le projet de mettre en ligne un bulletin complet des promesses tenues ou non par nos politiques, sur des thématiques liées à l’agriculture notamment, afin de pouvoir voter en meilleurs connaissances de cause aux prochaines élections.
L’inspiration que dégage Luc Hollands est palpable chez les jeunes (et moins jeunes) venus s’abreuver, les pieds dans la paille, du témoignage de ce producteur-militant. Quel meilleur exemple de la complémentarité des trois pôles de l’action militante (la sensibilisation, les alternatives exemplaires et l’affrontement) ? On en redemande !
Antoine Blanchard
[1] Votez pour Luc Hollands, concourant dans la catégorie « société » : citoyensdelannee.be/vote-verviers
[2] Cf. blog.lesoir.be le-lait-a-inonde-ciney. La phase finale du projet de suppression des quotas laitiers, instrument pourtant essentiel de la régulation des marchés, s’est déroulée en avril 2015.
[3] revendication est clamée haut et fort. Il fait partie du syndicat européen des producteurs de lait, l’EMB
[4] Voir milcherzeuger.eu
[5] À chaque lite de lait vendu, 10 centimes sont reversés dans une caisse commune, équitablement redistribuée entre tous les coopérants. Vous pouvez d’ores et déjà devenir un coopérateur du label, un authentique cowfunder ! Voir fairebel.be