À Malmedy, l’asbl Le Tournesol héberge dans la plus grande discrétion des femmes (et leurs enfants) victimes de violences conjugales et qui, en général, ont perdu tous les repères d’une vie « normale ».
« La maternité et l’enfance ont droit à une aide et une assistance spéciale. »
Article 25.1 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme
Depuis 2015, Le Tournesol offre 21 lits répartis dans 8 chambres d’une maison qui donne à l’ensemble le caractère familial nécessaire à un accueil de qualité. Les chambres peuvent évidemment être familiales car, en cas de violences conjugales, ce ne sont pas que les femmes qui sont ici accueillies mais leurs enfants aussi. En 2017, 33 femmes et 42 enfants ont trouvé refuge ici. Aujourd’hui, alors qu’un beau ciel d’arrière-saison irradie les Fagnes, ce sont 6 femmes et 12 enfants qui sont hébergés. Nous sommes au cœur de l’après-midi, c’est très calme : deux mamans préparent des beignets aux pommes dans la cuisine et les deux enfants présents sont malades et n’ont pu aller à l’école. Tout à l’heure, en revanche, entre 16h et 20h, ce sera le rush : l’équipe de la maison d’accueil (deux assistantes sociales, quatre éducatrices et un éducateur, trois puéricultrices) assurera tout à la fois l’accompagnement en cuisine (chaque pensionnaire prépare le repas à tour de rôle), celui des devoirs (les mamans sont obligées de rester près de leurs enfants) et l’animation pour les plus petits.
« Cela reste un processus assez lent, qui peut durer 30 ans ! insiste Anne Thunus. Durant cette période, ces femmes hésitent à franchir le pas, ce qui ne se fera peut-être qu’à l’intervention de la police ou des voisins, elles perdent leurs repères, elles renoncent à partir parce que leur mari leur promet que cela n’arrivera plus… Certaines viennent nous revoir des années après, décidées à divorcer alors qu’elles ne voulaient pas le faire à la première crise et avaient décidé de retourner avec leur mari sur des promesses faites au téléphone. Il faut le dire et le redire : même si c’est un aspect important du problème, la violence physique n’est pas la seule composante des violences conjugales, il y a les violences psychologiques, le dénigrement, les pressions, la séquestration, l’isolement social - on appelle cela des ‘familles bunker’ – et, une violence qui est très courante, la violence économique. Les femmes qui arrivent ici n’ont aucun revenu, pas de carte de banque, pas le droit de sortir pour faire les courses, voire ignorent l’existence de leur droit aux allocations familiales ! »
C’est dire que l’accompagnement proposé par Le Tournesol va au-delà de l’hébergement et des repas, au-delà des consultations de l’ONE ; il y a l’accompagnement administratif (remise en ordre), psychologique, juridique (garde des enfants, plaintes…), l’accompagnement individualisé (emploi, logement…), l’accompagnement des enfants, des activités et des ateliers divers (sensibilisation aux violences conjugales, à la mise en sécurité, estime de soi, cuisine, écriture, expression…).
À présent que le sujet n’est plus tabou, on sait que les violences conjugales se produisent dans tous les milieux et pas uniquement chez les plus démunis. Toutefois, rappelle Anne Thunus, « la violence envers les femmes appauvrit parce qu’elle isole socialement et économiquement mais aussi parce qu’elle fait partie d’un cocktail lié aux addictions, au jeu, à l’alcool, aux drogues. » C’est aussi la précarité qui réunit le plus souvent les pensionnaires du Tournesol car, si l’accueil est limité dans le temps par la loi (à 9 mois, trois fois renouvelable par tranche de trois mois), les femmes qui ont un emploi, une famille aidante ou les moyens de prendre un logement ne restent que quelques jours ou semaines ici. C’est bien plus compliqué de s’en aller rapidement quand on a vécu dans l’isolement social ou économique…
Grâce à vos dons, Vivre Ensemble soutient un projet qui fait sens pour les pensionnaires du Tournesol : un atelier alimentaire animé par Li Cromignon, une association du pays de Herve qui s’est donnée pour but de sensibiliser la population à une alimentation saine et responsable. Bien lire une étiquette, prévoir une collation avec des fruits et des biscuits plutôt qu’avec des chips, préparer des repas sains plutôt qu’à base de frites et de pizzas : ce sont des évidences mais pas pour tout le monde. « Dans les familles où il y a de la violence, dit Anne Thunus, parents comme enfants sont en mode survie. La question de l’alimentation n’est pas une priorité pour eux.
De plus, quand de très jeunes femmes, souvent mères depuis peu, arrivent chez nous, elles n’ont généralement jamais appris à faire à manger et se contentent de préparer chaque jour la seule chose qu’elles connaissent. » Avec les ateliers de Li Cromignon, il n’est donc pas juste question d’alimentation car, au travers de cette question, ce sont celles d’une bonne santé, de l’écologie et de la nature et d’une bonne gestion de son budget qui sont en jeu. Le projet vise donc à renforcer les connaissances des résidentes sur des notions telles que : repas équilibrés, saisonnalité des aliments, gestion des déchets et des dates de péremption, achats et utilisation optimale des denrées et des stocks, quantités cuisinées, créativité en cuisine, budget raisonnable, réduction des aliments transformés, plats préparés par soi-même… Bref, inculquer une gestion responsable en « bonne mère de famille. »