Dans le domaine de l’aide sociale, il est courant de nommer les personnes soutenues des bénéficiaires. Le terme n’est pas neutre. Examinons ce qu’il dit.
Le terme bénéficiaire est certes plus élégant que celui d’usagers, et semble couramment utilisé faute d’un autre mot plus adéquat. Mais la manière dont on nomme les uns et les autres n’est pas anodine. Et si les alternatives au mot bénéficiaire ne sont pas évidentes à trouver, s’interroger sur ce que le mot véhicule reste utile. En effet, il exprime d’une certaine façon la relation établie entre les associations et les personnes qui les sollicitent. Il peut aussi être révélateur du rôle assigné aux associations de lutte contre la pauvreté dans la société. Comme il peut être porteur, malgré lui, des préjugés selon lesquels les personnes en situation de précarité seraient "assistées", "profiteuses".
Dans la communication des associations vers des tiers, cette terminologie de bénéficiaire est fréquente. Lorsqu’elles rendent des comptes à celles et ceux qui les appuient… surtout si cet appui est d’ordre financier, les associations en font usage pour quantifier et qualifier les personnes accompagnées. Cette approche aux accents comptables risque néanmoins de polluer en bout de course la relation établie au sein de l’association. Car elle pourrait cantonner les personnes accompagnées dans une fonction passive et réduire le rôle de l’association à celui d’un fournisseur d’aide, au détriment du lien social. Celui-ci est pourtant crucial.
Aux yeux de Vivre Ensemble, une dimension importante de la lutte contre l’exclusion doit en effet être la participation. Et la dynamique associative qui l’accompagne passe par la valorisation de l’individu, par la considération de ses besoins, de ses aspirations et par l’encouragement à partager une réflexion ou une action commune. Finalement, quelle que soit la terminologie choisie, l’important n’est-il pas d’éviter la logique dichotomique que l’on observe un peu partout, la vision binaire du "eux/nous" ?