Depuis le mois de mai, 475 sans-papiers ont entamé une grève de la faim en plein de cœur de Bruxelles. Leur objectif est de protester contre la situation désespérée qui est la leur et contre le refus du gouvernement d’y apporter des solutions. Le 19 juillet, quelques dizaines d’entre eux et elles ont entamé une grève de la soif.
Une grève de la soif ne laisse que quelques jours de survie à celui qui l’entame. La situation est donc désespérée.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Aujourd’hui, on estime le nombre de sans-papiers à 100.000 personnes en Belgique. Les parcours qui mènent à ce statut d’irrégularité sont nombreux :
•leur enfant ou leur partenaire vit en Belgique, mais ils et elles n’ont pas obtenu de regroupement familial ;
•ils et elles ne trouvent pas de travail dans leur pays d’origine et trouvent en Belgique un emploi informel et sous-payé ;
•ils et elles courent un risque élevé d’être torturés dans leur pays d’origine, mais ne peuvent pas en apporter la preuve suffisante attendue par l’État belge ;
•ils et elles souffrent d’une maladie qui ne peut être traitée correctement dans leur pays d’origine
•…
Certain·es, craignant l’expulsion évitent de faire une demande officielle, mais d’autres font le pari, parfois risqué, de la voie légale. La régularisation est une faveur en Belgique, pas un droit. Pour l’instant, cela signifie qu’il n’y a pas de raisonnement clair sur la raison pour laquelle certaines personnes ont la chance de construire une vie en Belgique et d’autres pas. Les personnes ne peuvent donc pas prévoir l’issue de leur procédure de régularisation.
Il est en effet fréquent que la Belgique refuse un statut à des personnes qui en font la demande. Auquel cas, soit la personne est expulsée, soit la Belgique est incapable de les expulser parce que leur vie pourrait être mise en danger dans leur pays d’origine. Pendant les confinements, aucune expulsion n’a été effectuée en raison de la fermeture des frontières. Dans ce cas, les personnes déboutées sont déposées sur le trottoir avec un ordre de quitter le territoire qu’elles sont incapables de respecter. Elles s’installent alors en Belgique sans avoir la possibilité d’accéder à un emploi et sans aucun droit. Elles deviennent sans-papiers.
Beaucoup de ces personnes ont perdu l’année dernière les sources de revenu précaire dont elles disposaient : les emplois informels dans le domaine du nettoyage, de la restauration, de la livraison à domicile, etc. ont été les premiers à disparaître pendant les lockdowns. Sans préavis ni compensation, ces personnes – qui n’ont souvent aucune réserve financière – se sont retrouvées sans revenu. Ceci s’ajoute aux difficultés déjà existantes pour les sans-papiers. Assez pour être proche du désespoir.
Des solutions sont possibles
Dans la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, des solutions temporaires telles qu’un droit de séjour temporaire pour des raisons humanitaires pourraient désamorcer la situation avec les grévistes de la faim et de la soif. Dans tous les cas, des solutions pragmatiques doivent être trouvées. Mais surtout, il est nécessaire d’avoir une vision structurelle de l’immigration légale qui permette d’éviter des situations similaires à l’avenir. De telles solutions existent. Ainsi, il est essentiel que les fonctionnaires chargés de l’examen des demandes de régularisation aient une obligation de justifier leurs décisions, qu’elles soient positives ou négatives, afin qu’une compréhension claire des procédures puisse s’établir pour toutes et tous.
Une régularisation plus large (sur une base individuelle), un statut de résident pour les personnes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine et un meilleur accès aux canaux de migration légale créent une situation gagnant-gagnant : les sans-papiers et les migrant·es en général peuvent enfin se construire une vie, et la société gagne des citoyens motivés. L’essentiel est que les gens doivent avoir la possibilité de façonner eux-mêmes leur avenir et celui de leurs proches.
Le cardinal de Kesel a rappelé dans un communiqué que, “malgré leur situation illégale dans notre pays, il s’agit d’êtres humains : des personnes en danger qui appellent notre compréhension et notre compassion“.
Plusieurs organisations, dont la CNCD ont signé la carte blanche de la Plateforme Citoyenne – BXLRefugees en soutien des revendications des grévistes et en faveur d’une régularisation sur base de critères clairs, inscrits de façon permanente dans la législation et analysés par une commission indépendante.
Différentes actions sont en cours pour interpeller le monde politique :
https://www.facebook.com/coline.billen/posts/10157565317905388