Combler les besoins et tisser des liens avec les personnes précarisées et isolées par la crise du coronavirus.
Depuis plusieurs années, Action Vivre Ensemble soutient l’association Amon Nos Hôtes, à Liège. Celle-ci mène une action de taille : soutenir les personnes en rue et précarisées, en leur donnant accès à une cafétéria sociale et en leur proposant des activités collectives d’insertion sociale. Avec la crise sanitaire du coronavirus, la mission d’Amon Nos Hôtes a été décuplée, les demandes ont grimpé en flèche et les défis se sont multipliés.
Créée en 2002, à Liège, l’asbl Amon Nos Hôtes se veut être un tremplin, une porte ouverte vers un ensemble diversifié de ressources permettant de répondre au mieux aux besoins particuliers des personnes précarisées, tant en termes d’aide matérielle que d’insertion sociale. Dès le départ, outre l’accompagnement social individuel proposé par l’association, le projet était de favoriser la participation des personnes sous forme de bénévolat dans les fonctions de nettoyage, de préparations culinaires ou d’animations collectives.
L’objectif plus large de l’association est, in fine, de recréer du lien social. En effet, les personnes qui s’y rendent sont souvent démunies de réseaux de solidarité naturels (famille, amis, collègues) et se trouvent donc dramatiquement isolées face aux accidents de la vie. Le projet d’Amon Nos Hôtes est de mettre l’accent sur les compétences des personnes et de leur permettre de s’impliquer concrètement dans la vie de l’association. Ainsi, les personnes deviennent des acteurs, développent une utilité sociale et ont, par la suite, une image d’eux-mêmes beaucoup plus valorisante.
Une démarche participative
Amon Nos Hôtes est un projet participatif qui se caractérise par l’attention donnée aux compétences des personnes usagères de ses services.
Ainsi, depuis les origines d’Amon Nos Hôtes en 2002, les personnes aidées par l’association prennent part à l’organisation collective quotidienne, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre de l’accueil en soirée. Cette approche du travail social a démontré sa pertinence au fil du temps ; de « bénéficiaire aidé », la personne se retrouve en position d’« acteur aidant », un statut inclusif et valorisant.
Concrètement, si les travailleurs sociaux sont présents en soirée, l’organisation logistique de la cafétéria repose sur une cinquantaine de personnes usagères. Ce sont eux et elles qui assurent l’entretien des locaux, qui cuisinent et qui assument le service en soirée (bar, vaisselle, caisse).
Amon Nos Hôtes dispose d’une cafétéria sociale qui propose un accueil de soirée avec snack-bar à petits prix : sandwiches, repas chauds, potages, boissons. Ouverte toute l’année de 17h30 à 22h, du lundi au vendredi, elle accueille en moyenne 50 personnes par jour. Diverses animations socioculturelles (jeux de société, karaoké...) y sont proposées pour inviter à créer du lien. Deux travailleurs sociaux assurent quotidiennement un accompagnement psychosocial. Des travailleurs salariés qui sont souvent aidés par des personnes usagères des services. « Nous permettons à toute personne usagère du service de s’impliquer béné- volement dans le fonctionnement de la cafétéria, aux côtés des travailleurs sociaux, dans une fonction différente et complémentaire. L’implication dans l’institution donne aux personnes sans abri ou en situation de précarité une identité valorisante socialement et une utilité sociale », explique Arnaud Bihin, le coordinateur de l’association.
En plus de l’offre de repas chauds et de sandwiches, l’association dispose d’un service d’insertion sociale. Concrètement, c’est en proposant des activités collectives que le travail social s’établit. Diverses activités sont ainsi proposées en journée : sport, ateliers d’expression artistique, etc. Il s’agit de mettre l’accent sur les capacités, sur la création de liens au sein du groupe et de renforcer la convivialité. Chez Amon Nos Hôtes, chacun et chacune peut retrouver la confiance en soi nécessaire pour aller de l’avant. Donner confiance aux personnes usagères, les inviter à se connaître, à créer du lien, à se découvrir une passion sont autant d’objectifs que cherche à atteindre l’équipe sociale d’Amon Nos Hôtes. Par ailleurs, les travailleurs sociaux proposent également un accompagnement social individuel à chaque personne usagère qui souhaite être accompagnée dans sa situation.
Difficulté pour se nourrir, difficulté pour maintenir une hygiène correcte, difficulté pour accéder à des toilettes : les personnes précarisées soutenues par Amon Nos Hôtes ont et doivent faire face à de nombreux besoins encore accentués par la crise du coronavirus.
Lors du premier confinement en mars dernier, l’association Amon Nos Hôtes a été rapidement contrainte de fermer ses services ainsi que l’accueil en soirée, faute de moyens pour s’adapter et mettre en place les mesures barrières de protection. Mais, loin d’abandonner la cinquantaine de personnes qu’elle accueillait quotidiennement, l’association et son équipe sociale ont mis toute leur énergie pour « maintenir le lien » et continuer d’accompagner les personnes précarisées et en rue. Une mission d’autant plus nécessaire car ce temps de coronavirus est particulièrement difficile pour les personnes les plus fragiles de notre société, encore plus esseulées.
« Notre équipe sociale prend chaque jour des nouvelles par gsm de notre public pour voir comment il se porte, comment il vit cette crise et ce confinement, mais aussi pour l’informer, le conseiller et le soutenir si des difficultés devaient être exprimées », racontait lors du premier confinement le coordinateur de l’association, Arnaud Bihin. Si la cafétéria sociale a dû être fermée, des sandwiches ont été distribués chaque jour ainsi que des repas chauds à emporter.
Depuis novembre, le volet « accueil de soirée » a pu reprendre sa fonction d’accueil des personnes en situation de grande précarité et majoritairement sans abri via la mise en place d’une structure d’accueil mutualisant les ressources de plusieurs partenaires. Cette initiative est coordonnée par le relais social du pays de Liège et Amon Nos Hôtes y détache ses travailleurs sociaux. La fréquentation journalière de ce service dépasse les 200 personnes par jour.
« Je me suis retrouvé sans argent, dehors, sans savoir vers qui me tourner. Cette situation de dépendance totale est très dure à vivre, d’autant plus lorsque l’accès aux administrations et aux services d’aide est limité à cause du confinement. Grâce à une éducatrice de rue, j’ai pu trouver de l’aide ici, à Amon Nos Hôtes, pour reprendre le cours de mes démarches et trouver des solutions à ma situation de rue. Pour le moment, je survis. Mais j’espère recommencer à vivre bientôt. »Témoignage d’un jeunes homme qui a perdu son logement au début de cet hiver, en plein confinement
Réadaptation constante des services
Ce temps de crise sanitaire demande à l’équipe sociale d’Amon Nos Hôtes une énergie considérable et a engendré des coûts supplémentaires ainsi que des difficultés logistiques. « Les difficultés principales peuvent être résumées par la perte de la capacité d’accueil qui, pour un service de première ligne, est le point de rencontre avec son public. Cette perte du lien au niveau de l’accompagnement psychosocial est un renforçateur négatif des situations d’isolement des personnes précarisées », confie Fréderic Svendsen, travailleur social de l’association, avant de poursuivre : « Nous vivons actuellement au jour le jour, sans savoir à quelle nouvelle difficulté nous devrons faire face demain. »
Autre impact de la crise Covid-19 sur l’association Amon Nos Hôtes : les dépenses financières supplé- mentaires. « Les besoins en matériel liés à la situation de crise sanitaire que nous vivons sont nombreux, allant du matériel de protection de base (gel hydroalcoolique, masques…), souvent onéreux, à des réaménagements structurels plus importants permettant d’envisager une reprise de l’accueil intra-muros respectant l’ensemble des mesures de protection pour les bénéficiaires et l’équipe d’Amon Nos Hôtes », précise Fréderic Svendsen. Des dépenses nécessaires pour continuer d’être, malgré tout, aux côtés des personnes précarisées, encore plus isolées par la crise sanitaire et sociale que nous vivons.