L’asbl bruxelloise Pierre d’Angle accueille chaque jour et depuis près de 30 ans des personnes sans abri.
En leur offrant un repas chaud, un lit pour la nuit et un accompagnement psychosocial, l’association apporte un soutien essentiel aux personnes sans toit pour qu’elles puissent vivre dignement malgré leur vie en rue. Et dessiner, peu à peu, un nouveau chemin de vie.
Il est 14h devant le N°153 de la rue de Terre-Neuve, à deux pas de la gare du Midi à Bruxelles, un pluvieux après-midi d’octobre. Devant la façade de cette petite maison qui héberge l’asbl Pierre d’Angle, un groupe de personnes attend patiemment que les portes s’ouvrent. Ces personnes ont toutes en commun d’être sans abri. Pour bon nombre d’entre elles, elles ont passé la nuit dehors. Elles viennent ici, chez Pierre d’Angle,parfois chaque jour, pour prendre un repas chaud, une douche, dormir et se faire accompagner par l’équipe sociale de l’association.
Chez Pierre d’Angle, l’accès à un lit est l’un des services les plus demandés. L’association possède deux grands dortoirs, avec un total de 48 lits. La particularité du service dortoirs proposé par Pierre d’Angle ? Des lits accessibles aux personnes sans abri de jour comme de nuit. En effet, Pierre d’Angle propose aux personnes qui le souhaitent d’avoir en journée accès aux dortoirs pour faire des siestes et tenter de compenser, un tant soit peu, le manque de sommeil de la nuit. « Le sommeil est essentiel pour ces personnes. Elles arrivent ici souvent épuisées. Elles ne demandent qu’à dormir avant de penser à manger et se laver. Souvent, ce sont des personnes qu’on a dû refuser la veille, faute de place pour les accueillir » raconte Sarah assistante sociale chez Pierre d’Angle, avant de poursuivre : « Le sommeil est l’une des choses qui manque particulièrement aux personnes qui vivent en rue, nous essayons déjà de combler cela. »
Accueil anonyme, inconditionnel et gratuit
Autre particularité chez Pierre d’Angle : on peut venir sans donner son identité, ou sans avoir de papier « en règle » à présenter. Cet accueil sans condition et anonyme encourage les personnes sans abri qui n’hésitent pas à franchir la porte de Pierre d’Angle pour se faire accompagner. « Les personnes peuvent nous confier ce qu’elles veulent de leur parcours. Parfois, c’est un frein pour certaines personnes sans abri de devoir encore et toujours raconter leur difficile histoire » précise l’assistante sociale.
Les oublié·e·s de la crise Covid et leurs droits
Une fois de plus, les mesures prises fin octobre afin d’endiguer la pandémie ne prennent pas en compte la réalité des personnes sans abri. Comment se confiner sans logement ? Rien qu’à Bruxelles, plus de 4500 personnes sont dans l’incapacité de respecter le couvre-feu.
Une situation d’une violence humaine inouïe. Action Vivre Ensemble veut rappeler que le droit au logement ne se réalisera qu’à travers une véritable et ambitieuse politique de logement, mais aussi par des politiques sociales fortes (revalorisation des allocations sociales et des pensions, refinancement des CPAS, etc.). Pas de sécurité sans solidarité !
Telle est la réalité du secteur de l’accompagnement des personnes sans abri : la plupart des hébergements de nuit étant saturés, les personnes sans toit sont amenées à errer dans la rue tout au long de la nuit. Parfois, à bout de force, elles se posent, tentent de dormir. Puis, bien souvent, la violence de la rue les rattrape, elles se font voler leurs affaires, voire se font agressées. « Quand on reste en mouvement, on diminue les risques de se faire voler, de se faire frapper. Toute la nuit je marche dans la ville. Au matin, je suis crevé, vidé. Je viens ici en journée pour dormir et récupérer un peu d’énergie. Je me sens en sécurité » confie un homme sans abri d’une soixantaine d’années, yeux cernés, qui sonne chaque jour discrètement chez Pierre d’Angle pour y trouver un peu de réconfort.
Seulement voilà, depuis l’arrivée du coronavirus, les places dans les dortoirs ont été divisées par deux, alors que la demande de lits, même avant la crise de corona- virus, était déjà supérieure à l’offre. « Avant la crise sanitaire, nous pouvions accueillir 20 personnes de plus dans les dortoirs. Maintenant, pour éviter que le virus ne se propage, les personnes ne peuvent plus occuper qu’un lit sur deux. Les lits du haut sont gardés vides pour éviter que les personnes qui toussent en haut, contaminent les personnes qui dorment en bas », explique un travailleur social de l’asbl. Une réalité difficile qui contraint des personnes qui avaient l’habitude de trouver refuge chez Pierre d’Angle de tenter de trouver une place ailleurs. « Comme les lieux d’accueil sont tous saturés, la plupart des personnes qui n’ont pas de place errent dans la rue ou logent dans des squats. Mais c’est assez dangereux. » raconte un usager des services de Pierre d’Angle.
« Pierre d’Angle veut permettre à toutes les personnes les plus marginalisées de la société de garder un contact, de tisser des liens avec le monde social.
Notre travail est alors, par tous nos petits gestes, de permettre l’amorce d’un processus de (ré)-insertion. »
Cathy Banken, directrice de Pierre d’Angle
Malgré la crise sanitaire, l’équipe continue son travail de première ligne, marquant encore plus l’importance des lieux d’accueil pour les personnes en rue. Celles qui le sont aujourd’hui et celles qui le deviendront demain à cause de la crise sanitaire qui a engendré une grave crise sociale. « Les demandes sont grandissantes. Notre espace est trop petit pour accueillir tout le monde, c’est dur de devoir refuser chaque jour de nouvelles personnes qui n’ont souvent pas d’autres solutions d’hébergement. Parfois, on compte jusqu’à 100 refus en une soirée » confie un éducateur de l’association.
Avec l’hiver qui approche, les demandes – c’est habituel – vont encore grimper en flèche. À celles-ci s’ajouteront celles de toutes les personnes qui ont basculé dans la pauvreté suite à la crise du Covid-19. Perte de travail, perte de logement : pour beaucoup, la situation s’est fortement aggravée. Ces personnes devront être accueillies et accompagnées dignement. Les associations, comme Pierre d’Angle, se battent pour y arriver. Inlassablement. Car, devons-nous rappeler que les personnes sans abri – malgré les injonctions du gouvernement – ne pourront, elles, pas se confiner à la maison ?
Quel soutien Action Vivre Ensemble apporte-t-elle à Pierre d’Angle ?
Action Vivre Ensemble soutient Pierre d’Angle pour l’achat de meubles et d’éléments de stockages pour les denrées alimentaires. L’idée est de pouvoir garantir la bonne conservation des aliments qui seront ensuite servis aux personnes sans abri. Celles-ci doivent souvent manger à l’ex- térieur (des auvents et chaufferettes sont installés) car il n’y a pas d’espace commun à l’intérieur des locaux de l’association, à part les dortoirs et les bureaux de l’équipe sociale. Le soutien financier d’Action Vivre Ensemble permettra très concrète- ment de remplacer les tables et bancs ainsi que les armoires de stockage des aliments. Action Vivre Ensemble veut encourager le formidable travail de cette association de terrain qui prend le temps d’aller à la rencontre de ceux qui n’ont plus accès à leurs droits.
80 personnes accueillies chaque jour 48 lits en dortoirs
12 bénévoles
10 travailleurs sociaux