Vivre Ensemble en Avent et au-delà
Ayant été responsable national de l’Action Vivre Ensemble de 1972 à 1982, puis permanent et ensuite bénévole à Entraide et Fraternité-Vivre Ensemble, Jacques Briard nous partage à nouveau quelques impressions à l’occasion de la 45e campagne d’Avent et à la suite d’ une récente assemblée associative Namur- Luxembourg : Pour relever toute les dimensions du travail de Vivre Ensemble et de ses partenaires.
Après son lancement de type assez caritatif en 1971 et ses premières années pas faciles, Vivre Ensemble s’est développé grâce aux appuis de divers partenaires, dont l’ONG Entraide et Fraternité créée dans les années ’60, et en prenant d’autres dimensions à une époque où le mot « crise » marquait désormais les vies de plus en plus de gens de chez nous et même de tout notre pays, « Golden Sixties » passées !
De là le fait de voir Vivre Ensemble , devenue Action Vivre Ensemble, aller au-delà de l’organisation durant l’Avent d’une simple collecte au profit d’initiatives locales pour faire connaître et soutenir des projets de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale d’origines diverses, voire pluralistes, ainsi que pour développer une sensibilisation permanente et des interpellations au plan politique, soit trois domaines qu’Entraide et Fraternité prit aussi à son compte vis-à-vis de partenaires de pays du Sud comme ONG devenue autonome pour Bruxelles et la Wallonie. Aussi, si la petite sœur Vivre Ensemble a bien été aidée à ses débuts par son aînée, son aînée en a aussi bénéficié en retour !
De toute la dynamique menée au fil des ans, la preuve en a encore été faite à l’assemblée associative tenue le 14 novembre à Namur.
En effet, les responsables et aussi des bénéficiaires d’une douzaine des projets à soutenir par la campagne d’Avent 2016 y sont venus de différents coins des provinces de Namur et du Luxembourg.
Les présenter ici en détails prendrait un sérieux volume, alors qu’ils le sont dans ce toujours intéressant bulletin social, mais pas toujours lu qu’est la « Gazette de l’Avent » tout comme le sont aussi les autres bénéficiaires ou plutôt partenaires qui n’étaient pas libres le 14 novembre, tant agir contre pauvreté et exclusions ne permet malheureusement pas toujours de se libérer pour une journée d’échanges.
Toutefois, notons qu’étaient représentés Le Re Verre (Sambreville), Luttes Solidarité Travail Andenne, le Centre des Immigrés Namur-Luxembourg, Pascougui (Ciney), l’asbl Cinex et la plate-forme Coquelicot (Namur), Soleil du Coeur (Gomery), La Moisson (Houmont), Carrefour (Philippeville), Les Semailles (Dinant), Mic-Ados (Marche), Le Répit (Couvin)
Mais comme une telle assemblée va bien au-delà de soutiens encore à recevoir, il y avait aussi d’anciens bénéficiaires de financements de Vivre Ensemble, à savoir : La Payote, (Saint-Servais ), le Prieuré Pierres et Humanité (Rochefort), Service Entraide Migrants (Gembloux), La Trottinette (Auvelais) ,la Compagnie Buissonnière, le Centre Permanent pour Citoyenneté et Participation (CPCP), ainsi que des permanents et bénévoles d’Entraide et Fraternité-Vivre Ensemble.
Riches échanges
Toutes et tous ont visiblement apprécié de pouvoir se rencontrer et échanger, partager leurs problèmes, leurs attentes, voire leurs rêves. Et cela donc, grâce à l’Action Vivre Ensemble, qui ne leur fournit certes pas de très importants financements, mais qui est sans doute une des rares organisations de soutiens financiers proposant un tel genre de mise en commun.
De celle-ci, relevons :
que sont considérés comme valeurs importantes le dialogue, le partage, l’écoute, la citoyenneté et la tolérance, sans être toujours partagés, y compris dans les familles et entourages des participants à la rencontre ;
que les plus démunis doivent être davantage acteurs de leur vie en étant plus respectés et plus écoutés par les institutions, les responsables politiques, les médecins et aussi les travailleurs sociaux ;
que sont aussi importants les rencontres, l’Éducation, l’Éducation permanente, les interpellations politiques, les mobilisations, les actions, les soutiens, le travail en réseaux, les partenariats ;
qu’il faut prendre distance, ne pas juger, changer de regards et de comportements, ainsi que prendre en compte la dimension collective ;
qu’il faut changer la législation relative aux banques, avoir plus d’ouvertures et donc moins de replis, permettre un meilleur accès à l’information, mais aussi aux soins de santé et aux logements.Plaidoyers à la fois ambitieux et raisonnables
A tous ces apports, se sont ajoutés deux intéressantes contributions.
En effet, la rencontre avait débuté par une brève, mais très claire présentation du thème de la campagne d’Avent 2016 proposée par Isabelle Franck, sur base du dossier « Notre avenir en commun-Demain entre nos mains », qui est, à nos yeux, pour une bonne part une sorte de restitution des apports des acteurs de terrain hélas trop peu diffusée. Pour montrer qu’en proposant de développer le thème du Bien Commun, c’est inviter à lutter contre le très actuel repli sur soi. Pour expliquer que dans le slogan « Ensemble, on a le pouvoir de changer les choses », « on » veut dire citoyens et associations. Et comment ? En gérant les communs ou, en d’autres termes, en gérant nos ressources de façon démocratique et durable, qu’il s’agisse de logements inoccupés, de potagers collectifs ou d’aspects plus personnels.
Fort enrichissante aussi a été l’intervention de Philippe Defeyt, économiste, militant écolo et président sortant du CPAS de Namur. Bien qu’elle soit répercutée sur le www.vivre-ensemble.be, relevons ici, d’après non propres notes, qu’il ne s’agissait absolument pas de la formulation de réponses définitives, mais bien d’un « plaidoyer pour un optimisme raisonnable et raisonné ». C’était aussi une invitation à agir, car on a des moyens et des outils pour se battre, comme on ne pouvait pas y songer dans les années ’80, notamment dans le domaine de l’énergie, en matière de mobilité et d’alimentation , pour le renouvellement de la démocratie, et celui des logements, ... Avec en toile de fond la créativité citoyenne, de nouveaux entrepreneurs, les apports des nouvelles technologies et du non-marchand... Mais il y aussi des craintes à cause du manque de temps, de la compétition et des coupures sociétales, des doutes au sujet des politiques, des gaspillages, ... Dès lors, que faire, si ce n’est donner des outils, partager, dénoncer, être clair, parler vrai, être concret, avancer par étapes, y compris au sujet des revenus, mais aussi regarder et interroger le réel, mettre le paquet sur l’Éducation permanente - alors qu’elle est en train de se dégrader, ouvrir nos frontières pour faire bouger le cadre, en sachant que les réformes de structures n’apportent pas toutes les réponses. Ainsi, en matière de lutte contre la pauvreté, le point le plus grave est que deux personnes aux profils semblables ne doivent pas recevoir la même réponse.
Toujours selon Philippe Defeyt, il faut se documenter, aller sur le terrain en vue de se donner des objectifs concrets, mais aussi renouer des liens avec les politiques pas seulement à la veille des élections, en croyant à l’action politique.
En appréciant beaucoup cet apport, les participants n’ont pas manqué d’insister sur l’importance de l’Éducation permanente, mais aussi sur les contraintes et contradictions auxquelles elle doit faire face. Ont aussi été relevées la lourdeur des charges imposées aux CPAS et une plus grande motivation de membres de ceux-ci. De là l’invitation à promouvoir la coresponsabilité dans le plus de milieux possibles, organisations sociales comprises, ainsi que parmi les citoyens.
Dès lors, cette assemblée associative a-t-elle été considérée comme une bouffée d’oxygène à renouveler et même beaucoup plus fréquemment, car, « il est vraiment très intéressant de se rencontrer entre associations, avec des apports de jeunes, en vue de réfléchir et d’agir ensemble, y compris pour s’opposer à certaines politiques et pour voir comment le faire savoir ».
En tout cas, sans oublier que les chrétiens ont à mener le combat pour la justice avec bien d’autres femmes et hommes de bonne volonté, on peut convenir avec les anciens et actuels responsables de Vivre Ensemble que tant la 45e campagne d’Avent qu’une assemblée associative comme celle présentée ici concrétisent l’affirmation suivante du Synode des Évêques de 1971 et donc contemporaine de la première campagne d’Avent : « L’action pour la justice et la participation du monde nous apparaissent comme une dimension constitutive de la proclamation de l’Évangile qui est la mission de l’Eglise pour la rédemption de l’humanité et sa libération de toute force oppressive ».
Alors en Avent et en avant avec Vivre Ensemble et ses partenaires !
Jacques Briard