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AIDE À LA JEUNESSE

L’expérimentation sociale : sortir des sentiers battus

A l’heure où la crise économique et sociale bat son plein, de nombreux jeunes sont en difficultés. Beaucoup peinent à maintenir leurs résultats scolaires, à trouver leur voie professionnelle, à faire face aux nouvelles responsabilités d’adultes qui leur incombent dès 18 ans et à s’inscrire dans un projet sociétal souvent aux antipodes de leurs réalités (pour autant qu’il en existe un défini communément). Or, depuis la Réforme de l’Aide à la Jeunesse, on ne s’est jamais autant préoccupé des jeunes et pourtant la situation de ces derniers ne s’est jamais autant dégradée…
Face à cela, comment les professionnels pourraient-ils penser leur action afin de rendre à l’action sociale son rôle émancipateur ?

Aide à la jeunesse
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Contexte

« On ne fait pas assez confiance aux jeunes. A l’école, je vais pas dire que c’était une torture mais ça me cassait les pieds. Je ne me suis pas senti écouté. (…) J’étais stressé parce que je n’avais pas de boulot, je me sentais bon à rien car je ne faisais presque rien. On se sent inutile. On a toujours l’impression qu’on est fainéant mais ce n’est pas ça. Les gens ils croient qu’on est fainéants mais ce n’est pas vrai ».
Xavier, 22 ans.

Le témoignage de Xavier reflète bien la réalité d’une partie de la jeunesse actuelle. Il évoque sa difficile intégration dans le monde scolaire et le manque d’écoute de cet environnement à son égard. Xavier s’est ensuite retrouvé, sans diplôme, à devoir vivre seul avec des revenus de remplacement (une partie était constituée des allocations de chômage et l’autre d’un complément du CPAS). Il évoque également le sentiment que l’on peut avoir lorsque l’on se retrouve dans une telle situation et que l’on ne trouve pas de travail.

Les jeunes n’ont pas la vie facile en 2012 [1] et la crise que nous vivons ne leur ouvre guère de perspectives enthousiasmantes. Certains d’entre eux cumulent de nombreuses problématiques : décrochage scolaire, absence de projet professionnel, difficultés familiales, délinquance, etc. Il est évident qu’un cumul de ces difficultés entrave le bon déroulement du parcours des jeunes concernés et entraîne souvent une situation de rupture. Sans être exhaustif, les points de tension qui peuvent provoquer une telle rupture chez les jeunes peuvent être des problématiques :

- d’ordre social : isolement, délinquance, etc. ;
- d’ordre familial : conflits récurrents, violences verbales et physiques, absences de cadre et de règles codifiant l’existence du jeune, etc. ;
- liées au mode de vie : addictions en tout genre (psychotropes, jeux vidéo, etc.), rythme de vie, alimentation, etc. ;
- d’ordre scolaire : difficultés d’apprentissage ou d’adaptation à l’école, absences répétées, exclusion, etc. ;
- d’ordre psychologique : dépression, anxiété, perte d’estime de soi, etc. ;
- d’ordre économique, qui constituent souvent un élément précoce de fragilisation des jeunes.

L’addition de ces difficultés aboutit souvent une situation complexe à laquelle le jeune ne peut faire face seul. Il est cependant important d’appréhender ces différents éléments de manière systémique, tant ceux-ci sont interdépendants. Ces différentes catégories permettent également de mettre en lumière le caractère involontaire que peuvent prendre ces problématiques.

QU’ADVIENT-IL DE CES JEUNES ?

Les ruptures qui viennent d’être évoquées ne sont pas sans conséquences pour les jeunes. En effet, ces dernières – dans le contexte de crise que l’on connaît – viennent encore minimiser leurs chances d’émancipation. Ils se retrouvent en marge du système actuel, (sur)vivant souvent avec de faibles moyens financiers et avec l’obligation d’entreprendre toute une série de démarches dont ils ne mesurent pas toujours le sens et l’intérêt. On pense notamment aux démarches d’activation professionnelle qui – si elles peuvent être bénéfiques – sont souvent aux antipodes de la réalité complexe du jeune.

On constate alors qu’un nombre grandissant de jeunes se retrouvent exclus des voies de passage traditionnelles (école, formation, emploi) tout en subissant les conséquences économiques de ces exclusions. Ils peinent alors à trouver une place dans notre société.

LE JEUNE ET SA FAMILLE, SEULS RESPONSABLES ?

Il peut être tentant de renvoyer la responsabilité de ces situations aux jeunes eux-mêmes – ils seraient paresseux, n’auraient plus le sens de l’effort… - ou à leurs parents – démissionnaires, trop permissifs, absents… Ce serait aller un peu vite en besogne. Il convient aussi de considérer les causes de ces situations, voire les responsabilités collectives que nous avons à assumer par rapport à ces jeunes en difficulté :
- Les crises multiples que nous connaissons engendrent insécurité, craintes et pertes de repères chez les jeunes comme chez les adultes qui les éduquent.

- L’école ne remplit pas sa mission d’émancipation sociale à l’égard de tous les élèves. Au contraire, elle accentue les inégalités liées à l’origine socio-économique des jeunes.

- Malgré tous les efforts d’activation et de responsabilisation individuelle des demandeurs d’emploi, il est une réalité qui ne peut être niée : sur le marché de l’emploi, le nombre d’offres est bien inférieur au nombre de demandeurs [2] (232 564 demandeurs d’emploi inoccupés pour 20 366 offres d’emplois diffusées par le Forem pour le mois de juin 2012).

Cela induit alors une rude concurrence entre les chercheurs d’emploi. Dans ce contexte difficile, ce sont les jeunes qui sont déjà stigmatisés dans leurs parcours scolaire qui vont éprouver le plus de difficultés à trouver un emploi.

- Les difficultés économiques rencontrées par de nombreuses familles sont exacerbées par la pression d’une société où l’intégration passe par la (sur)consommation.

Le témoignage de Xavier se voit donc, malheureusement, à nouveau conforté par les faits…

UN SI BON SYSTÈME SOCIAL…

On le sait, le système d’assurance sociale belge est l’un des meilleurs au monde. Il n’en reste pas moins insuffisant pour pallier les nombreuses difficultés rencontrées par une partie de la population de notre pays.

Au-delà de cette insuffisance, ce système comporte également une complexité certaine due au saucissonnement entre des entités fédérales et fédérées qui, à leur tour, délèguent des mandats à des administrations spécifiques (l’enseignement, l’aide à la jeunesse, l’insertion socioprofessionnelle, etc.). Ces dernières jouent encore un rôle de distribution des missions et des ressources à des institutions diverses.

Revenons en particulier brièvement sur la réforme du secteur de l’aide à la jeunesse. Le 4 mars 1991, un nouveau décret [3] modifie largement l’organisation du secteur. Les logiques d’intervention s’enrichissent de 9 principes fondamentaux [4] qui résument l’esprit de ce décret :

1. la complémentarité et le caractère supplétif de l’aide spécialisée par rapport à l’aide sociale générale ;
2. la déjudiciarisation ;
3. la compétence exclusive du pouvoir judiciaire en matière d’aide
imposée et en ce qui concerne le placement en régime fermé ;
4. la priorité à la prévention générale ;
5. la priorité à l’aide donnée dans milieu de vie ;
6. le droit à l’aide spécialisée et le respect des droits fondamentaux des jeunes et des familles ;
7. l’adéquation des services (agréés ou publics et du groupe des institutions publiques de la protection de la jeunesse à régimes ouvert et fermé) de la Communauté française aux besoins reconnus en matière de délinquance juvénile ;
8. la coordination et la concertation entre les différents secteurs de la protection de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, information et formation du personnel de ces secteurs, qu’ils soient privés ou publics ;
9. l’information en matière de protection de la jeunesse et d’aide aux jeunes.

…SAUCISSONNÉ !

Ces nouvelles logiques contribuent malheureusement à une complexification progressive du secteur, aboutissant notamment à la création de 14 types différents de services agréés privés. L’aide se voit alors saucissonnée, favorisant une sur-spécialisation des services et des intervenants, avec des mandats peu clairs entraînant une perte de lisibilité pour les usagers (et même pour les intervenants !) ou, au contraire, des mandats trop spécifiques qui ne permettent plus d’appréhender globalement le jeune et sa situation.

Un autre élément qui, lui, concerne l’ensemble du secteur de l’action sociale et même de la solidarité en général, est le passage d’un Etat-Providence à un Etat social-actif. En effet, ce glissement entraîne une responsabilisation individuelle accrue et modifie les logiques d’intervention. Cela se marque de manière très claire dans le secteur de l’insertion socioprofessionnelle : les logiques d’activation et d’accompagnement professionnel individualisés s’y multiplient (job coaching, contractualisation de l’aide, etc.) ; mais c’est une rhétorique devenue dominante dans le fonctionnement de très nombreux dispositifs d’accompagnement.

MINEURS, ADULTES : QUI FAIT QUOI ?

Un jeune [5] n’a pas affaire aux mêmes intervenants selon qu’il est mineur ou majeur, alors qu’il peut présenter un même profil et accuser les mêmes difficultés. Bref rappel :
Pour les mineurs, ce sont les secteurs de l’enseignement et de l’aide à la jeunesse qui sont prioritairement compétents. L’enseignement est – normalement - obligatoire pour tous les jeunes jusqu’à 18 ans [6].

L’aide à la jeunesse, quant à elle, n’est compétente que lorsque le jeune est en difficulté [7] et l’action est souvent mandatée par le Service d’Aide à la Jeunesse (SAJ), par le Service de Protection Judiciaire (SPJ) et par le Tribunal de la Jeunesse (TJ).

Pour les jeunes majeurs, on identifiera comme principal secteur de compétence l’emploi avec ses particularités fédérales (l’ONEM), régionales (Forem, Actiris et organismes de formation tels que les missions régionales, les entreprises de formation par le travail [8], etc.) et communales avec l’action que les CPAS tendent à réaliser au niveau de l’insertion socioprofessionnelle.

ENTRE LES MAILLES

Comme on s’en doute aisément, il existe des jeunes qui passent au travers des mailles de ces filets (secteurs) :

- des jeunes mineurs qui ne sont plus à l’école ni dans aucune structure de l’aide à la jeunesse faute de places suffisantes ou faute d’avoir été « repérés » par une autorité mandante ;

- des jeunes majeurs en dehors du système emploi car ils peinent à réaliser les démarches nécessaires à leur activation (définition d’un projet professionnel, réalisation de démarches administratives, présentation auprès d’employeurs potentiels, commencement d’une formation, etc.).

Les raisons peuvent être nombreuses : manque de place, seuils d’exigence trop élevés, systèmes trop catégorisés, qualification du jeune estimée trop élevée par rapport au profil demandé (pour entrer dans une EFT par exemple) ou trop faible (pour accéder à un programme de formation qualifiante), manque de stabilité et de motivation du jeune - ceci est un exemple criant du paradoxe des systèmes sociaux qui doivent s’adresser aux personnes en difficultés mais ces dernières ne doivent pas être trop importantes sous peine de ne pouvoir commencer ou maintenir l’intervention -, etc.

Pointons une dernière difficulté majeure : le volontariat et la mobilité internationale, les séjours linguistiques, etc. sont l’occasion d’expériences valorisantes et formatives pour les jeunes. Elles ne sont pourtant accessibles qu’à une minorité d’entre eux, notamment en raison leur coût.

DES PISTES POUR AVANCER

Quatre éléments nous semblent importants à approfondir :

1. Décloisonner les pratiques

Nous l’avons constaté, l’action sociale est segmentée, elle s’intéresse à des publics spécifiques en « fermant les yeux », parfois, sur des difficultés qui relèveraient d’un secteur différent.

Exemple : un jeune doit, à la fois, se rendre au CPAS pour obtenir une aide d’urgence, au syndicat pour bénéficier des allocations de chômage, au Forem pour être en ordre d’inscription comme demandeur d’emploi et enfin, il peut se rendre dans un centre de formation. Il sera par ailleurs suivi par une Mission régionale pour de la recherche intensive d’emploi, par un jobcoach, sans oublier qu’il doit consulter un psychologue au centre de santé mentale ainsi qu’une déléguée du SAJ pour son enfant en bas âge.

La personne (le jeune en l’occurrence) doit s’adresser à plusieurs services, se rendre dans plusieurs endroits pour tenter de résoudre ses difficultés. Pas facile pour un jeune qui cumule plusieurs des problèmes évoqués au début de cette analyse. Dès lors, il nous semblerait judicieux de réfléchir à une simplification du secteur social en limitant le nombre de types de services et en permettant, par l’expérimentation (voir plus loin), de modifier les cadres légaux des services existants.

Il ne s’agirait pas de rajouter de nouvelles offres d’accompagnement mais bien de réformer certaines structures qui paraissent obsolètes. Ceci ne doit pas pour autant permettre aux pouvoirs publics de flexibiliser les structures à leur guise et d’y ajouter de l’incertitude supplémentaire.

En effet, une des pistes que nous avançons pour permettre aux structures de mieux coller à la réalité réside dans l’expérimentation sociale (voir page 9).

Cette dernière entraîne malheureusement une incertitude ainsi qu’une flexibilité importante. Il s’agirait donc de réfléchir à ces enjeux en instaurant de larges concertations sectorielles et intersectorielles représentant l’intérêt de l’ensemble des acteurs concernés afin d’étudier les pistes d’une meilleure articulation entre les structures et d’une plus grande simplification à l’égard des usagers. Il nous paraît cependant important d’insister sur une logique de co-construction plutôt que sur une logique descendante.

2. Une prise en charge qui abolit la segmentation mineurs-majeurs Ce point est évidemment en lien avec le précédent.

Le 30 août, Jordan a 17 ans, 11 mois et 30 jours. Le lendemain, il a 18 ans. Pourtant, pour lui, rien n’a changé. Malheureusement, d’un point de vue social et légal, tout a changé. Même s’il vit toujours les mêmes difficultés qu’hier, il ne pourra plus compter sur les mêmes intervenants, sur le même soutien. Le voilà lancé dans la jungle du monde adulte, seul.

Cet exemple, que les acteurs associatifs rencontrent à de multiples reprises dans leur pratique, interpelle vivement. Les jeunes accèdent au marché de l’emploi, à l’autonomie et à l’indépendance de plus en plus tardivement [9]. Nous pensons qu’il est utile de permettre un accompagnement transversal (16-25 ans, par exemple) pour permettre aux jeunes de bénéficier d’un soutien qui prendrait en compte la globalité de leur situation. Cet accompagnement permettrait de mieux « coller » à la réalité actuelle de la jeunesse.

3. Une plus grande accessibilité aux offres d’expérimentation existantes

Nous l’avons évoqué, il existe toute une série d’offres d’expérimentation à destination des jeunes mais qui restent malheureusement difficilement accessibles. Dès lors, nous pensons qu’il est opportun de réfléchir à des modalités concrètes permettant de faciliter l’accès à ces offres, notamment en regard de l’apport que celles-ci peuvent constituer pour un jeune, qu’il soit en difficulté ou non.

4. Une vision différente du travail

Nous l’avons rappelé : le nombre de demandeurs d’emploi dépasse largement le nombre de postes de travail disponibles. Au-delà de la précarité que cela engendre pour de nombreuses personnes, il faut souligner la concurrence croissante que cette situation introduit dans les rapports sociaux. Même avec de meilleurs services d’accompagnement, il serait difficile, à l’heure actuelle, de ne pas créer d’exclusion, de stigmatisation, d’individualisation. Dès lors, ne serait-ce pas la valeur que la société accorde à l’emploi qu’il faudrait d’urgence faire évoluer ? Ne pourrions-nous pas reconnaître les personnes sans emploi comme des personnes normales, comme des personnes capables de mener des projets, de réaliser des actions solidaires ?

Faut-il encore accentuer la responsabilisation individuelle alors que nous formons une collectivité, capable de s’entraider ? Il nous semblerait plus judicieux d’accorder plus de crédit à d’autres actions - n’ayant certes pas une valeur purement économique aux yeux de la « logique néolibérale » - mais permettant à chacun de s’intégrer pleinement dans notre société et dans un souci d’apporter plus d’égalité et de solidarité pour tous.

L’EXPÉRIMENTATION SOCIALE COMME SOURCE D’ENRICHISSEMENT COLLECTIF …

Chaque intervenant tente, dans son cadre d’action spécifique, de répondre aux attentes du public. Dans le secteur de l’aide à la jeunesse, il existe par ailleurs toute une série de projets « pilotes », « expérimentaux » qui cherchent à proposer des solutions innovantes aux problématiques de la jeunesse.

Ces solutions, qui prennent des formes diverses (mise en partenariat d’institutions n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble, mise en place d’un programme d’Année Citoyenne, organisation d’un colloque sur les nouvelles technologies et médias, etc.), doivent être encouragées et soutenues.

Ces projets tentent, à partir d’un diagnostic (du territoire, des besoins, etc.), de combler des manques en proposant des interventions et accompagnements qui sortent des sentiers battus (voir encadré). S. Niset, coordinateur du réseau « Solidar’cité », estime qu’au delà d’une plus grande accessibilité des offres existantes, il est nécessaire de proposer de nouvelles formes d’expérimentation, que celles-ci soient individuelles ou collectives.

LE PROJET STARTING BLOCK … UNE RÉPONSE INNOVANTE AUX PROBLÉMATIQUES ACTUELLES

Depuis septembre 2010, « La Particule », asbl de Hannut, développe un projet à l’égard de jeunes âgés de 16 à 25 ans en situation de rupture. Il s’agit de permettre à ces jeunes de prendre un temps pour eux afin de construire un projet qui leur est personnel.

Ce projet peut prendre des formes diverses et variées pour autant qu’il permette à l’intéressé d’être dans une dynamique positive et valorisante pour lui-même. Les possibilités sont donc très étendues : commencer un sport, entamer des cours de musique, passer son permis de conduire, reprendre un cursus scolaire ou de formation, expérimenter un métier, concrétiser un projet de volontariat, etc.

En outre, le projet personnel doit permettre au jeune de sortir de sa situation de rupture mais aussi de mieux se préparer aux (nouvelles) responsabilités d’adulte qui lui incombent désormais ou auxquelles il devra bientôt faire face.

Concrètement, trois axes sont présents dans le projet Starting Block :

-  Un axe individuel
Il s’agit ici d’amener le jeune à mieux appréhender sa situation de rupture, à lui donner un sens et à élaborer une motivation au changement. Il s’agit également de permettre au jeune de se consacrer pleinement à la construction de son projet de vie ; cela nécessite donc de permettre au jeune d’être en paix avec toutes sortes de démarches ou de poids : acquisition d’une allocation sociale, diminution des tensions familiales, etc.

-  Un axe projet personnel
Permettre au jeune de définir et de construire un projet personnel qui soit cohérent avec son désir de changement et réaliste à mettre en place. Ce projet doit lui permettre de travailler sa situation de rupture et ses difficultés d’émancipation.

-  Un axe collectif
Les activités collectives prennent la forme de séjours résidentiels où différentes activités sont prévues : sport-aventure, activités d’utilité sociale, etc. Il s’agit surtout de travailler les compétences personnelles et relationnelles du jeune : confiance en soi, respect des autres, etc.

Au-delà de ces précisions méthodologiques, quelques principes guident notre action :
- Le respect du jeune et du rythme de ce dernier ; pas question en effet de presser le jeune et de le soumettre aux logiques de contrôle habituelles
- Le caractère volontaire : il n’y a pas d’accompagnement sans accord préalable du jeune ; pas question donc qu’un tiers impose le processus au jeune ;
- La gratuité du service même pour les séjours résidentiels ;
- Le respect du secret professionnel.
Enfin, le caractère novateur du projet se concrétise, notamment, par :

- Une transversalité et une globalité qui s’articulent autour de la possibilité d’accompagner des jeunes mineurs ET majeurs ainsi que par la possibilité pour ces derniers de développer un projet qui soit PERSONNEL, centré autour de LEURS attentes et non pas en regard des obligations d’activation scolaire et professionnelle par exemple ;
- Une « triple » méthodologie (cfr. les trois axes) qui permet de travailler sur les préoccupations premières du jeune tout en tentant de développer des changements positifs dans les différentes sphères de la vie du jeune.

MAIS QU’ENTEND-ON PAR EXPÉRIMENTATION ?

Nous avons donc choisi de nous appuyer sur le concept d’expérimentation sociale défini dans une étude française [10] réalisée sur les projets expérimentaux à l’égard des jeunes en recherche d’emploi :

« l’expérimentation dans le domaine des politiques sociales consiste à tester une innovation sociale à petite échelle et dans une durée limitée, afin d’en mesurer les avantages et les inconvénients, de l’améliorer avant de la généraliser ou d’y renoncer si elle ne s’avère pas pertinente ».

Cette définition nous paraît intéressante car elle pointe plusieurs éléments significatifs pour la recherche de solutions pertinentes pour les jeunes :

-  une durée et un nombre limité de participant ;
-  le questionnement de l’expérience ;
-  l’amélioration, la généralisation ou l’abandon de l’expérience en fonction de l’étude du point précédent.
Ces trois « critères » posent les bases d’une recherche de solution [11]. En effet, on constate un problème auquel on veut répondre. Afin d’envisager une « bonne » réponse, on suppose une analyse du terrain ainsi qu’une analyse de la première solution proposée. Se présentent alors trois possibilités : une amélioration, une généralisation (à une échelle territoriale prédéfinie) ou un abandon. Nous sommes ici aux antipodes des logiques institutionnelles fondées sur des modalités d’intervention pérennes et règlementées qui peinent à s’adapter aux évolutions de la société.

L’expérimentation sociale apparaît donc comme l’une des formes les plus pertinentes pour tenter de faire face aux difficultés actuelles de la jeunesse. Cette expérimentation permettrait de mener des actions pilotes, de les évaluer et de faire évoluer les pratiques, « réformant » ainsi les services actuels afin qu’ils collent mieux à la réalité.

Il convient cependant de baliser cette expérimentation afin qu’elle ne devienne pas un outil de flexibilisation du secteur social et donc une dérive supplémentaire de l’action politique et publique. Identifions donc les éléments indispensables afin de créer une réelle innovation sociale :

1. la construction d’un diagnostic commun  : il importe que les acteurs locaux (pouvoir politique, acteurs publics et associatifs, usagers, etc.) puissent prendre part à l’identification des points de tension qui existent sur le territoire et que l’ensemble de ces acteurs puissent élaborer collégialement les actions à mettre en place ;
2. l’encouragement et le soutien de l’innovation par la distribution de financements suffisants et obtenus dans des délais raisonnables [12] ;
3. la possibilité, comme le souligne l’étude, a minima, de pérenniser l’initiative pour autant que cette dernière s’avère pertinente et même de la généraliser à un territoire défini. Lorsque nous évoquons la pérennisation, celle-ci ne doit pas nécessairement prendre la forme d’une création d’un nouveau type de service mais peut être envisagée comme une intégration dans les actions déjà existantes ;
4. la valorisation et la « reconnaissance » de ces expériences, notamment par certains organismes publics. Prenons l’exemple d’un demandeur d’emploi qui souhaite s’engager dans un processus (une année citoyenne, par exemple) non reconnu par l’ONEM. Ce demandeur d’emploi risque d’être exclu du bénéfice d’une allocation de remplacement, alors qu’il est en train d’acquérir toute une série de savoirs, savoir-faire et savoir-être indispensables sur le marché du travail. Au delà d’une reconnaissance « administrative », nous plaidons également pour une reconnaissance (en termes d’acquisition de compétences et de savoirs) de ces expériences pour les activités futures du jeune (formation, emploi, etc.) : il ne s’agit pas, en effet, de créer de nouvelles filières de relégation qui ne pourront par exemple pas être valorisées auprès d’un employeur ;
5. malgré toute l’importance que nous reconnaissons à l’expérimentation, cette dernière ne peut devenir l’outil exclusif de l’action sociale, tant ce dernier risque d’entraîner de la maltraitance institutionnelle envers les personnes qui y travaillent et même envers les celles qui en bénéficient (incertitude constante, demande une flexibilité importante, financements complexes, etc.).
Quoi qu’il en soit, pour répondre de façon plus efficace aux besoins des jeunes, il faut, en plus de ce qui a été évoqué dans ces pages, une meilleure concertation entre les acteurs eux-mêmes ainsi que moins de frilosité par rapport aux évolutions dans les pratiques d’accompagnement.

Vivre Ensemble Education



[1Voir « Un jeune sur cinq ! Une génération pauvreté ? », Vivre Ensemble Education, 2012 sur www.vivre-ensemble.be

[2LE FOREM « Marché de l’emploi : chiffres et commentaires juin 2012 », site du Forem, juillet 2012, http://www.leforem.be/wcs/ExtBlobServer/201207_MDE_Juillet2012_donnees_Juin2012_blobcol=urlvalue&blobtable=DocPar_Mungo&blobkey=id&blobheadername1=Content-Type&blobwhere=1333241194963&blobheadervalue1=application-pdf.pdf (page consultée le 28 août 2012)

[3Décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse, D.04-03-1991, M.B. 12-06-1991.

[4Nous ne pourrons malheureusement pas les détailler ici et montrer les améliorations qu’ils ont apportées ; pour ce faire, nous renvoyons à la lecture du décret mentionné.

[5A titre informatif, l’Assemblée Générale des nations-Unies définit la jeunesse comme l’ensemble des personnes âgées entre 15 et 24 ans (BEUKER L., GUILLAUME JF., Quel est le modèle de transition des jeunes vers l’indépendance en Communauté française ? Que résulte-t-il de sa comparaison avec les autres modèles européens ? Rapport final, Université de Liège, Institut des sciences –sociales, Liège, juillet 2011.)

[6Le mineur est soumis à l’obligation scolaire pendant une période de douze années commençant à l’année scolaire qui prend cours dans l’année où il atteint l’âge de six ans et se terminant à la fin de l’année scolaire, dans l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de dix-huit ans. La période d’obligation scolaire comprend deux parties, une période à temps plein et une période à temps partiel. La période d’obligation scolaire à temps plein s’étend jusqu’à l’âge de 15 ans comprenant au maximum sept années d’enseignement primaire et au minimum les deux premières années de l’enseignement secondaire de plein exercice. Dans tous les cas, l’obligation scolaire à temps plein cesse quand l’élève atteint l’âge de 16 ans. La période d’obligation scolaire à temps partiel s’étend quant à elle jusqu’à la fin de la période d’obligation scolaire. Le jeune soumis à l’obligation scolaire à temps partiel, peut continuer sa scolarité à temps plein ou s’orienter vers d’autres filières (FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES, « L’obligation scolaire », site de la Fédération Wallonie-Bruxelles, http://www.enseignement.be/index.php?page=24546 (page consultée le 27 août 2012)

[7Excepté les services d’Aide en Milieu Ouvert (AMO) qui travaillent sans mandat et exclusivement sur une base volontaire

[8Pour de plus amples informations : 1) Décret de la Région wallonne relatif au dispositif intégré d’insertion socio-professionnelle, M.B, 1er avril 2004 ; 2) REGION WALLONNE, « Entreprises de Formation par le Travail : les EFT », site de la Région wallonne, http://emploi.wallonie.be/THEMES/FORM_PROF/EFT.htm (page consultée le 29 août 2012)

[9Pour de plus amples informations nous vous renvoyons à l’étude suivante : BEUKER L., GUILLAUME JF., Quel est le modèle de transition des jeunes vers l’indépendance en Communauté française ? Que résulte-t-il de sa comparaison avec les autres modèles européens ? Rapport final, Université de Liège, Institut des sciences –sociales, Liège, juillet 2011.

[10BREZAULT M., OLM C., ANGOTTI M., (et al.), Politiques locales de la jeunesse et expérimentations sociales, CREDOC, Paris, 2009.

[11Pour aller plus loin, nous renvoyons le lecteur à l’étude Recherche qualitative sur les projets innovants en matière d’intervention auprès des enfants et des jeunes, rapport final de la recherche, RTA, 2009 sur l’innovation sociale dans l’aide à la jeunesse. Celle-ci permet d’approfondir la réflexion à partir d’expériences en Communauté française.

[12A titre d’exemple, le projet expérimental « Starting Block », soutenu par l’aide à la jeunesse, a dû attendre (ce qui signifie qu’il a dû mettre en place le projet sans l’argent nécessaire), après décision positive, environs 6 mois pour recevoir l’avance (90%) du subside nécessaire à la mise en place des actions prévues. C’est une pratique très courante, tous secteurs confondus, qui amène une incertitude importante au sein de l’institution (paiement des salaires, engagement de nouveaux travailleurs, rupture éventuelle de contrat, etc.) et qui crée des difficultés financières (retards de cotisation ONSS, précompte professionnel impayé, etc.) qui ne pourront pas être justifiées auprès du pouvoir subsidiant



Tags : Jeunes

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