Dans les discours et les publications, le mot appauvrissement remplace de plus en plus souvent celui de pauvreté. Bien qu’il y ait l’embarras du choix des mots pour signifier les manques, les exclusions, les (dé)privations dont souffrent encore et toujours trop de nos concitoyens, certaines substitutions posent question. En effet, remplace-t-on pauvreté par appauvrissement, comme on remplace femme de ménage par technicienne de surface, pour cacher la réalité ou la rendre plus douce ? Ou, au contraire, est-ce une façon de mieux nommer les choses pour y voir plus clair et porter la réflexion au cœur du problème ?
Un mot recouvre souvent une réalité vaste et complexe. Il en va ainsi du mot pauvreté qui évoque de nombreuses représentations. Avec pauvreté vient le mot manque(s). Ces manques sont bien sûr matériels : manque d’argent, de mobilité, d’espace. On pense alors aux loyers qui mobilisent une partie trop importante du budget des ménages, pour des habitations souvent trop petites et à la salubrité douteuse. Les manques sont aussi physiques et se déclinent en termes d’accès aux soins de santé. Ces problèmes de santé peuvent concerner également la santé mentale. Mais les manques liés à la pauvreté peuvent être aussi affectifs et relationnels.
Tous ces manques peuvent se manifester séparément ou, plus souvent, liés les uns aux autres. Quand on parle de pauvreté vient aussi le mot sans : sans nourriture suffisante, sans amis, sans argent, sans maison, sans statut, sans-papiers. Parler de pauvreté, c’est parler de solitude, d’isolement, d’isolé(e). C’est porter son regard sur l’individu qui en souffre. C’est constater la douleur de la personne appauvrie.
Quand on évoque la précarité c’est l’image du funambule qui revient souvent pour illustrer un état instable et insécurisant : on est sur le fil. Avec la précarité, ce sont aussi les perspectives qui se réduisent et le rapport au temps qui change. La personne qui vit dans la précarité n’a pas la possibilité de faire des projets. Rien n’est certain, sa situation ne lui permet pas de se projeter dans le temps et donc de se construire un avenir. La précarité, ce n’est pas encore la pauvreté ; c’est une manière de vivre pénible, parce qu’il y a cette épée de Damoclès, la pauvreté, qui menace constamment.
Le terme appauvrissement, quant à lui, évoque un passage de la richesse (relative) qui suppose un certain état de bien-être, à la pauvreté. C’est un basculement. Parler d’appauvrissement, c’est porter son regard sur le processus qui amène à la pauvreté et observer les dynamiques à l’œuvre, les causes qui produisent les effets observés que l’on appelle pauvreté.
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