La lutte contre la pauvreté est au cœur de l’action de Vivre Ensemble. On estime à 4000 le nombre de personnes qui vivent en rue dans la capitale. Zoom sur Pierre d’Angle, la seule institution bruxelloise qui accueille chaque jour de l’année 48 personnes sans abri sans la moindre condition d’accès.
« Notre accueil est anonyme, inconditionnel et gratuit. » Tel est, depuis 30 ans, le credo de l’association Pierre d’Angle, installée dans une ancienne impasse d’un quar - tier populaire du bas de Bruxelles, entre les Marolles et la gare du Midi. Comme chaque année, le plan « Grand Froid » de la Ville de Bruxelles est désactivé à partir du 31 mars, ce qui signifie la disparition soudaine de plus de 1000 places d’accueil. Pierre d’Angle, elle, continue à accueillir 7 jours sur 7 et 365 jours par an, 48 personnes dans ses deux dortoirs (et une seule douche...). « La majorité de notre public est constituée de personnes qui se retrouvent à la rue parce qu’elles ne sont plus prises en charge par des structures comme les prisons, les hôpitaux, les institutions pour mineurs... Dès lors, il n’y a plus que nous pour récolter le résultat de la fragilisation de la solidarité car le vrai problème est évidemment la réduction permanente des prises en charge des personnes les plus précarisées par la société.
Si l’asbl Pierre d’Angle a été créée en 1987, la réalité du terrain a fortement évolué à Bruxelles au cours des trois dernières années avec l’arrivée des vagues de réfugiés - des Syriens et des Afghans d’abord, des Africains ensuite - concentrés autour de la gare du Nord et du parc Maximilien. Et le mouvement citoyen qui a suivi avec la création d’une plateforme d’hébergement. Cela a-t-il changé le travail de Pierre d’Angle ? « En réalité, pas vraiment, car ces personnes n’arrivaient pas dans notre quartier mais se concentraient plutôt près de la Gare du Nord. J’ai évidemment beaucoup d’admiration pour les gens qui accueillent ces réfugiés chez eux, ils participent du même effort que le nôtre mais différemment. De toute façon, je ne rentrerai jamais dans la logique d’opposition entre les différents types de pauvreté, ’nos SDF contre les réfugiés, etc’. Le problème n’est pas là. Ce n’est pas contre la misère que l’on devrait lutter mais contre la logique néolibérale qui la provoque. Aujourd’hui, des institutions publiques veulent apprendre aux gens à faire un repas pour 3 euros ! Mais ce qu’il faudrait faire, c’est essayer que les gens aient plus de 3 euros pour se nourrir, pas se satisfaire de cette situation ! » Ici, on connaît tout le monde : 80 à 90 % sont des habitués. Alors, comment décider qui restera ce soir ? Ce sont les personnes que nous accueillons qui nous ont suggéré le système auquel nous avons recours chaque soir : un tirage au sort. Nous n’acceptons pas les personnes avec enfants, nous ne sommes pas équipés pour cela, nous les renvoyons vers le Samu social. Mais, pour le reste, il n’y a aucune condition. » Mais Murat Karacaoglu a un rêve, qu’il va pouvoir accomplir grâce aux dons récoltés durant la campagne d’Avent : l’aménagement d’un coin cuisine au rez-de-chaussée de la rue Terre-Neuve. Pourquoi un coin cuisine ? « Tout simplement parce que j’étais un peu choqué moi-même de devoir dire à ces gens sans abri de venir à 20 heures en veillant à manger auparavant. L’idée est de faire des repas sur place. Ne serait-ce que parce certains de nos volon- taires sont cuistots et nous l’ont proposé. Cela s’inscrit également dans un cadre plus large, de dynamisation solidaire du quartier avec notamment l’installation le long de la façade d’un potager collectif dont nous pourrions cuisiner les légumes. Le troisième étage de notre bâtiment est occupé par des personnes sans abri en transit au Home Baudouin. Ce serait donc une cuisine collective pour les deux projets en même temps. »
Pierre d’Angle va ajouter une cuisine à sa structure d’hébergement.