Depuis quelques mois un infléchissement, dans la façon dont l’Union européenne affronte la crise économique, financière et de l’euro.
Même si l’on ne peut parler de véritable changement de paradigme — les derniers rebondissements de la crise grecque montrant la profondeur des ornières européennes —, force est de constater, depuis quelques mois un infléchissement, dans la façon dont l’Union européenne affronte la crise économique, financière et de l’euro. Après avoir centré la réponse politique à la crise exclusivement sur les programmes d’austérité et les réformes structurelles, un troisième élément vient, encore timidement, se greffer aux deux précédents : la nécessité de promouvoir la relance économique via les investissements. Serions-nous en train de passer d’un rationnel de l’austérité à un rationnel de l’investissement ? Et si oui, pourquoi ? Tentative d’explication.
Par manque d’investissement, de recherche et d’innovation, nous risquons de leur léguer un modèle économique et de production industrielle incapable de faire face aux grands défis que sont le réchauffement climatique et le déclin dramatique de la biodiversité.
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L’économie de la zone euro est dans un état tel que les instruments traditionnels de la politique monétaire de la Banque centrale européenne ne fonctionnent plus correctement (malgré la fixation de taux d’intérêt négatifs pour les dépôts des banques commerciales !). Début 2015, la BCE finit par lancer, comme aux États-Unis, une opération de quantitative easing, qui consiste, schématiquement, à abreuver les banques et institutions financières de liquidités dans l’espoir de favoriser la reprise. Enfin, parmi les autres dangers qui guettent : la déflation fait son apparition fin 2014. Comme l’écrit alors l’économiste belge Bruno Colmant, nous entrons dans un monde inconnu…
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C’est dans ce contexte que le nouveau président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, affirme la nécessité de relancer l’investissement. Sans renier les deux axes principaux qui guidaient jusque-là les politiques de l’UE (l’austérité budgétaire, désormais renommée « responsabilité » budgétaire, et les réformes structurelles, désormais négociées - du moins en principe - avec les partenaires sociaux), M. Juncker ajoute un troisième axe : la relance économique via l’adoption d’un Plan d’investissement. La tonalité, à tout le moins, change.
Concrètement, il s’agit de créer un nouveau « Fonds européen pour les investissements stratégiques » en partenariat avec la Banque européenne d’investissement (BEI). Commission européenne et BEI y mettent une garantie de 21 milliards d’euros, lesquels devraient entraîner un effet multiplicateur de 1 à 15, soit une capacité de mobilisation totale de 315 milliards d’euros en investissements supplémentaires entre 2015 et 2017. Ces investissements seront dédiés aux infrastructures de transport et énergétiques, aux réseaux à haut débit, à l’éducation, la recherche et l’innovation, aux énergies renouvelables, ainsi qu’aux PME et aux entreprises à moyenne capitalisation. La Commission identifie 2 000 projets proposés par les États membres pour un montant total d’environ 1 300 milliards d’euros.
Le « Plan Juncker » fera-t-il sortir l’Europe de l’ornière dans laquelle elle s’est embourbée depuis maintenant sept ans ? Tout le monde, bien sûr, l’espère. Même si certains reproches lui sont adressés : le « coup de pouce » du président de la Commission ne représente qu’un tiers des investissements qui seraient nécessaires pour revenir aux niveaux de 2004-2008.