Nous nous réjouissons de voir la solidarité des citoyens et du gouvernement belge envers les réfugiés ukrainiens.
« Répondons au défi des migrants et des réfugiés avec humanité. » Pendant que le monde découvrait avec horreur, le 3 avril, les images du massacre russe de Boutcha, en Ukraine, ces propos résonnaient à l’autre bout de l’Europe, dans un centre de personnes réfugiées sur l’île de Malte. Une façon pour le pape François, à la pointe de ce combat depuis sa visite « fondatrice » à Lampedusa en 2013, de rappeler combien un drame ne peut en éclipser un autre. Devant ces Somaliens, Nigérians, Érythréens, Soudanais ayant survécu à la traversée de la Méditerranée, François a lancé : « Vos histoires rappellent celles de nombreuses personnes qui, ces derniers jours, ont été contraintes de fuir l’Ukraine à cause de cette guerre injuste et sauvage. Mais aussi celle de nombreux autres hommes et femmes qui ont été contraints de quitter leur maison et leur terre, en Asie, en Afrique et en Amérique, à la recherche d’un lieu sûr. »
Si tous les hommes et les femmes naissent libres et égaux, on peut se demander si toutes les personnes réfugiées se « valent ». Des remugles zemmouriens de la campagne électorale française au sursaut de la Pologne ou de la Hongrie qui, il y a peu encore, fermaient à double tour leurs frontières, la formidable solidarité à l’adresse des réfugiés ukrainiens réjouit autant qu’elle laisse un goût amer. Il n’est évidemment pas question ici de tempérer l’enthousiasme de ces centaines de familles, de communes, d’institutions qui ont ouvert leurs bras à ces femmes, ces enfants, ces vieillards fuyant la barbarie de Poutine. Que du contraire.
En revanche, force est de constater que les réfugiés syriens, afghans, palestiniens, somaliens, érythréens, qui constituaient le gros du contingent des demandes de protections introduites en Belgique en 2021, n’ont que rarement suscité l’empathie ou tout simplement autre chose que l’indifférence voire la franche hostilité. Cette injustice est difficilement acceptable. Le réveil de la conscience européenne en la matière ne peut que réjouir mais il pose une question cruciale : s’agit-il du modèle de la politique européenne à venir ou d’une réponse ponctuelle à une crise qui interroge notre sécurité ? On préférerait la première réponse, on craint la seconde.
La Russie a ramené la guerre en Europe, l’Asie, le MoyenOrient, l’Afrique, l’Amérique latine restent traversés de tragédies humanitaires d’un autre âge et l’absence totale de réponse aux enjeux environnementaux risque de porter à 216 millions le nombre de réfugiés climatiques en 2050. On ne pourra éternellement éviter de répondre à cette question : tous les réfugiés ont-ils la même valeur à nos yeux d’homme et de femme ?
J.-F. Lauwens