Pour la troisième année consécutive, l’opération Viva For Life envahit les écrans et les ondes, appelant les citoyens à se montrer généreux pour lutter contre la pauvreté.
Après les bébés, ce sont les enfants jusqu’à 6 ans qui seront les bénéficiaires des fonds récoltés cette année. Plus précisément, l’argent sera distribué à des associations qui accompagnent ces enfants : haltes-garderies, écoles de devoirs, maisons d’accueil…
Si l’on ne peut que saluer la générosité des citoyens qui se mobilisent à cette occasion, Vivre Ensemble voudrait rappeler que la lutte contre la pauvreté, et donc le respect des droits humains pour toutes et tous, sont avant tout du ressort des pouvoirs publics. Dans un pays riche comme le nôtre, il ne devrait pas être nécessaire de faire appel à la générosité des particuliers pour permettre aux associations de remplir leurs missions. Pour cela, il y a des subsides publics.
Mais les associations, comme les citoyens, sont mises à la diète de l’austérité : des subsides en diminution, avec à la clé des pertes d’emplois, une précarité permanente qui force certaines associations à licencier chaque année leur personnel pour le réengager l’année suivante, faute d’un financement assuré. Des associations qui travaillent avec les primo-arrivants ont dû licencier du personnel au début de cette année, alors que les demandes dans ce domaine, on le sait, ne font qu’augmenter.
Les associations partenaires de Vivre Ensemble tirent la sonnette d’alarme : par rapport à la pauvreté qui s’aggrave en raison des mesures d’austérité prises par le gouvernement, mais aussi par rapport au sous-financement chronique dont souffrent ces centaines d’associations qui mènent au jour le jour un travail immense d’accueil inconditionnel, de formation, d’intégration, de réinsertion, d’émancipation individuelle et collective, d’aide sociale, d’accès aux droits, de vivre-ensemble…
Il n’est pas inutile de rappeler que la pauvreté n’est pas une fatalité, comme peut l’être une maladie ou un handicap. C’est pourtant ce que peut laisser entendre le fait d’organiser un Viva for Life dans le même esprit qu’un Télévie. La pauvreté est le résultat de choix politiques qui se sont durement confirmés ces dernières années.
Les associations sont des outils précieux pour agir avec les personnes qui vivent cette situation de pauvreté : leur proximité par rapport au public, leur souplesse, leur créativité, la force de l’engagement bénévole qu’elles suscitent, et ce petit plus d’humanité qui se fait de plus en plus rare dans notre société… sont irremplaçables et indispensables. Il revient au pouvoir politique de les financer suffisamment et durablement, autant qu’il lui revient d’agir sur les causes de l’appauvrissement par le renforcement de la sécurité sociale et des services publics. Tout cela pourrait être aisément financé par une fiscalité juste (rappelons que le manque à gagner dû à la fraude et l’évasion fiscales en Belgique est évalué à 20 milliards annuels).
Une opération ponctuelle de charité ne sera jamais aussi efficace qu’un financement structurel des associations de lutte contre la pauvreté. Au contraire, donner l’illusion que des opérations comme Viva For Life puissent sortir des enfants de la pauvreté affaiblit encore ces associations. Ce dont les associations ont besoin, c’est que leur action soit clairement reconnue et valorisée par les autorités dans une vision à long terme de la lutte contre la pauvreté.
« " Il y a eu beaucoup de débats contradictoires autour de l’opération « Viva for life » orchestrée par Cap 48, rapporte la directrice d’une association qui travaille avec les primo-arrivants. Mais c’est quand même hallucinant de voir un Ministre très fier de venir déposer un « gros » chèque pour soutenir une cause qui fait partie intégrante des missions structurelles de son propre ministère !" »
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