Pierre Arnould, prêtre et cotoyen engagé
C’est dans une église de Bellevaux bondée qu’ont été célébrées le 27 mai les funérailles de l’abbé Pierre Arnould, qui était décédé le 24 à Libramont à l’âge de 90 ans.
Bien que né en août 1923 à Saint-Gilles, Bruxelles, et non à Muno, comme indiqué par erreur dans le souvenir mortuaire, ce prêtre de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles était resté fidèle à ses origines familiales du Luxembourg et c’est à Bellevaux qu’il aura passé les vingt-deux dernières années d’une vie bien remplie aux côtés de son confrère Jean-Marie Wilmotte, qui présida la célébration entouré de nombreux prêtres, dont l’abbé Joseph Bayet, vicaire général honoraire représentant Mgr Vancottem, évêque de Namur.
Aux souvenirs très émouvants de l’abbé Wilmotte évoquant le quotidien de leurs vie en commun, actions et prières, s’en sont ajoutés d’autres, prononcés ou non, qui retracent diverses étapes de la vie de ce prêtre aux multiples engagements en Eglise et en société.
Ainsi, deux Forestois ont-ils rappelé qu’après avoir été vicaire à la paroisse Saint-Denis, Pierre Arnould avait fondé, église comprise, la paroisse du Saint Curé d’Ars durant les années ’50 et en faisant appel à la collaboration des laïcs, mais aussi en accompagnant les couples et familles de ceux-ci. Aussi, hommage lui sera rendu le samedi 14 juin à 16h dans cette paroisse, au sein de laquelle il avait veillé à garder des contacts aussi amicaux que réguliers et qui fonctionne depuis une dizaine d’années en autogestion, avec une équipe de laïcs, ce qui doit être un fruit de son action pastorale de l’époque où il était curé.
Cependant, c’est bien au-delà de la vie paroissiale que Pierre Arnould a marqué la vie de l’Eglise de Bruxelles. Ainsi, à la suite du concile Vatican II et dans les années d’après Mai’68, il en fut le président de la Commission Justice et Paix régionale composée d’une quinzaine de personnes très impliquées socialement, comme Luc Uytdenbroek , ancien permanent Entraide et Fraternité-Vivre Ensemble-Justice et Paix, l’a rappelé en ces termes : « Avec son calme proverbial et sa détermination tout aussi proverbiale, sans grand discours, il modérait et canalisait nos échanges parfois passionnés et nous conduisait à prendre des décisions concrètes. Sous son égide, cette commission rédigea un document important mettant en évidence et surtout en parallèle les rapports de domination et d’exploitation, à l’échelle belge et mondiale. C’était assez novateur à l’époque. ». De plus, Pierre Arnould fut le délégué du vicariat de Bruxelles au sein de l’équipe qui prépara les formations interdiocésaines ayant réuni des centaines de prêtres et de laïcs durant des années à Blankenberge.
A la fois comme pasteur et membre de Justice et Paix, Pierre Arnould a, au fil des ans, soutenu toute l’action et le fonctionnement très participatif d’Entraide et Fraternité, ONG en charge de la solidarité des diocèses de Bruxelles et de Wallonie avec les populations du Tiers-Monde. Il le fit à travers les campagnes de Carême de Partage, l’accueil de partenaires ou encore lors de la fameuse Opération Trois Troncs et des engagements contre l’apartheid en Afrique du Sud. Et il ne manqua pas de se rendre dans le Sud. Il s’était ainsi rendu au Brésil avec Marguerite Fievez, qui fut la secrétaire de Joseph Cardijn, Albert Stevaux, ancien doyen de Charleroi, et Luc Uytdenbroek, pour rencontrer notamment Angelina de Oliveira, ancienne responsable de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne Internationale (JOCI) et l’équipe du CEDAC, partenaire d’Entraide et Fraternité à Rio de Janeiro. Il avait aussi été en Inde.
Devenu président de l’Action Vivre Ensemble, il contribua grandement à la création longue et difficile de la coopérative de crédits alternatifs CREDAL, qui avait été pensée pour réunir des soutiens financiers pour des projets d’actions sociales menés chez nous en lieu et place de placements faits dans les banques belges investissant alors dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Il mit d’ailleurs à contribution plusieurs paroissiens de Forest afin que cette coopérative démarre dans de bonnes conditions et il en fut durant de longues années le premier président très apprécié, comme en témoignait la participation aux funérailles d’une forte délégation de cette coopérative, dont le 30e anniversaire sera fêté aussi le samedi 14 juin, à Schaerbeek.
Durant ses années de retraite à Bellevaux, Pierre Arnould resta fidèle à lui-même. Avec son confrère Jean-Marie Wilmotte, il participa à l’accueil de jeunes et d’adultes aux parcours difficiles. Pour en avoir bénéficié durant cinq ans et encore par la suite, le Togolais Samuel Kinde en a témoigné d’une manière remarquable et justement applaudie lors des funérailles. De même, les deux prêtres furent aussi à la base de l’asbl Solidarité Bouillon.
De plus, Pierre Arnould participa aux travaux de la Commission Vivre Ensemble du Luxembourg, en charge de la sélection des projets soutenus dans cette province par les fonds recueillis notamment lors de la campagne d’Avent. Il fut aussi membre de la CENALUX réunissant les coordinatrices provinciales et les bénévoles luxembourgeois et namurois d’Entraide et Fraternité – Vivre Ensemble, qui étaient également représentés aux funérailles. Il participa encore aux sessions de formation permanentes ouvertes aux prêtres du diocèse de Namur et organisées le plus souvent en Alsace, en n’oubliant pas d’en ramener du vin à partager avec ses proches .Il y était encore attendu pour traiter du dialogue dans l’Eglise du 18 au 23 mai dernier avec le concours, comme théologien, de l’abbé Jean-Claude Brau.
En outre, Pierre fut un des fondateurs de la Coalition Luxembourgeoise pour la Paix
(COLUPA) en 1991 au moment de la première guerre du Golfe. Il en fut le premier président très apprécié et il manifesta encore avec elle en juin 2006 à Bruxelles pour la régularisation des sans papiers, selon la conviction profonde qui l’animait, à savoir qu’il ne peut pas y avoir de paix dans le monde s’il n’y règne pas plus de justice. D’ailleurs, cité lors des funérailles, son testament manifestait une fois de plus son souci de la paix, mais aussi sa demande de pardon à ceux qu’il a blessés et son cadeau de pardon à ceux qui l’ont offensé.
Comme l’a bien dit Luc Uytdenbroek, « l’engagement pour la Justice était chevillé au cœur de Pierre .Il n’avait pas peur de se positionner clairement et parfois de dire ‘Non’ face à des responsables d’Eglise et des politiques. Car Pierre était un homme de convictions très affirmées. Et cela faisait du bien de pouvoir s’appuyer sur lui, comme sur une sorte de roc. Quel beau parcours de vie que celui de Pierre : homme de caractère, prêtre engagé et citoyen toujours mobilisé, jusqu’à un âge avancé, pour des causes justes. » .
Jacques Briard,
ancien permanent de Vivre Ensemble-Entraide et Fraternité