L’abbé Pierre Gillet est décédé à Namur dans la nuit du 23 au 24 août
L’abbé Pierre Gillet est décédé à Namur dans la nuit du 23 au 24 août entouré de sa famille et au terme d’une vie consacrée à la défense des plus faibles, en particulier les communautés de pêcheurs artisans d’Inde et de tous les continents. Nombreux seront les femmes et les hommes qui lui en sont reconnaissants à travers le monde.
Né en 1939, Pierre Gillet est prêtre du diocèse de Namur et ingénieur industriel de l’Institut Pierrard à Virton.
Après avoir enseigné dans des écoles techniques de Namur (ITN et IATA), il travaille durant quatorze ans comme coopérant du groupe Terre dans le sud de l’Inde en y rejoignant le père James Tombeur. Il y fonde des ateliers communautaires de construction de bateaux de pêche en prenant en compte - bel exemple d’inculturation ! - les apports des pêcheurs locaux. Il restera par la suite proche de ces communautés, y compris après le dramatique tsunami de 2004.
De plus, Pierre Gillet devient un supporter des pêcheurs artisans de tous les continents comme membre fondateur du Collectif international d’’appui aux travailleurs de la pêche ( ISCF-CIAPA) créé en 1984 et dont il assure le secrétariat du bureau de Bruxelles jusqu’en 1994. Puis il participe à la mise sur pied en 1992 du secrétariat de la Coalition pour des accords de pêche équitables (CAPE-CFFA), dont il était encore le trésorier. Il dénonce - par exemple dans « Le Monde diplomatique » de septembre 1997 - le fait que l’Afrique brade son poisson à l’Europe. Dans cette petite - mais très active - ONG basée à Bruxelles, il défendra les droits économiques, sociaux et politiques des pêcheurs artisans et des femmes transformatrices de poissons.
Pas étonnant qu’après son travail en Inde, il ait voulu suivre les études d’économiste en cours du soir aux Facultés Notre-Dame de la Paix, pour mieux analyser et comprendre les processus de domination économique !
Par ailleurs, à son retour en Belgique, l’abbé Gillet est un temps attaché à la paroisse Saint-Jean-Baptiste et Saint-Loup à Namur, aux côtés de l’abbé Paul Malherbe et en étant un membre actif du Fonds de gestion des travaux et bâtiments confiés à ladite paroisse et auquel a succédé depuis 2008 l’asbl Escholle dominicale pour les Pauvres. Mais il fut aussi curé de Naninne durant quatorze ans et dans le prolongement de la démarche pastorale de son prédécesseur, l’abbé Gaston Guillaume.
Riche de ses expériences en Inde et avec les pêcheurs artisans de divers pays, Pierre Gillet devient aussi à Namur un très apprécié animateur-prêtre au sein d’Entraide et Fraternité-Vivre Ensemble. De là ses multiples animations pour adultes, jeunes et membres du clergé soucieux de remettre au centre de notre monde les pauvres et les exclus, conformément au message de l’Evangile : sans jamais oublier ses chers pêcheurs, il plaide aussi pour les droits des dalits ou sans castes d’Asie, ceux des paysans et paysannes d’Afrique centrale et d’ailleurs ainsi que pour une autre mondialisation que celle des grandes puissances, grandes entreprises et institutions internationales à la base de programmes d’ajustements structurels et autres traités. Et il fait connaître bien des alternatives. Ayant dès ses années de travail en Inde très sérieusement documenté Entraide et Fraternité, il continue à le faire à travers des commissions pour les Projets à soutenir en Asie et au niveau intercontinental, ainsi que pour les actions de lutte contre la pauvreté et les exclusions soutenues par Vivre Ensemble ou encore en contribuant à l’accueil de partenaires et à la réalisation de pistes pour des veillées de prière pour la Justice sociale. Dans tous ses engagements, il se nourrit de rencontres et d’échanges, et ne cesse d’en susciter à son tour.
En outre, Pierre Gillet est durant plusieurs années le directeur diocésain de Caritas. Il participe aussi à la défense des droits de l’homme en Europe centrale et à d’autres initiatives pluralistes comme l’Opération 11.11.11. L’évêque de Liège, Mgr Jousten, en fait le responsable de la Société des Auxiliaires des Missions (SAM) pour accompagner les prêtres disciples du Père Vincent Lebbe, ce missionnaire belge qui prôna en Chine, dès avant la guerre 40-45 et bien avant le concile Vatican II, la recherche de la Justice, le respect et l’écoute de l’autre dans sa propre culture. Cette fonction l’amène à voyager souvent en Asie, en Afrique et en Amérique, toujours en appétit de rencontres, de découvertes...et de leurs récits partagés avec passion.
A tous ces engagements, Pierre Gillet ajoute l’accueil de personnes en difficultés, spécialement quand il est curé de Naninne et après s’être « retiré » en bord de Meuse à Jambes, en pouvant compter pour cela sur l’ouverture et l’aide de son convivial aîné le Père Pierre Bastin. La convivialité est d’ailleurs aussi une caractéristique de Pierre Gillet ; il est attentif à entretenir les liens familiaux et goûte le contact avec ses neveux, petits-neveux et enfants de ses amis, qui le lui rendent bien.
Et à une époque où la recherche de sens, la foi en Dieu et la pratique religieuse sont sources de bien des questions, mais aussi de rejets, Pierre Gillet accompagne jeunes et moins jeunes qui l’invitent souvent à célébrer avec eux les moments forts de leurs vies, en y incluant parfois de savoureux prêches en wallon.
La personnalité et les engagements de Pierre Gillet témoignent de son souci profond de construction d’un monde plus juste et plus solidaire prenant à la fois en compte les dimensions individuelles et collectives.
par Jacques Briard