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2 mai 2018  Archives des actualités

À La Maison Source pour (ré)apprendre chaque geste de la vie quotidienne

À Barvaux, La Maison Source accompagne des dizaines de familles marginalisées ou isolées qui ont les pires difficultés à faire face aux défis de la parentalité et à s’intégrer à la société. Ses missions sont tellement bien remplies qu’elle s’apprête à développer le même ambitieux projet sur un bassin de vie plus large en province de Luxembourg, à Bastogne.

Marie Spoden est un rayon de soleil. La pureté du regard qu’elle jette sur le monde n’a d’égal que le bien qu’elle lui fait en s’échinant à rendre meilleure la vie de ses semblables. Depuis 2013, elle gère La Maison Source, une asbl installée à Barvaux-sur-Ourthe, avec Sophie et Jacqueline, respectivement psychologue et psychomotricienne-puéricultrice. Un lieu d’accueil et de ressourcement comme on en rencontre peu. Développement de l’enfant, alimentation, santé, soins, logement, école, loisirs, achats, déplacements, prévention : rien n’est oublié dans la gamme de services et d’ateliers proposés aux jeunes parents et à leurs enfants. Car la spécifcité de cette « maison didactique », c’est d’accompagner parents et enfants précarisés dans la plupart des aspects de leur vie, d’offrir un soutien complet à la parentalité. Le concept de « maison » est ici important puisque, derrière les murs de cette bâtisse familiale qui n’a rien à voir avec une sombre administration ou une froide clinique, les mamans et les enfants apprennent à faire à manger dans la cuisine, à se laver dans la salle de bains, à dormir dans la chambre, à jouer dans la salle de jeux, chaque activité à sa place…


« À chaque fois que je viens, je suis de bonne humeur, beaucoup de choses me plaisent, comme cuisiner. J’aime tout ce que l’on fait ici, comme apprendre à connaître son enfant, à comment faire les choses. Rencontrer d’autres mamans me plaît aussi, le courant est bien passé, dès la première rencontre… »
Mathilde

Ce déclic, cette idée, Marie Spoden les a eus au cours de sa première vie professionnelle, quand elle était prof dans l’enseignement spécialisé : « Ces enfants, c’était le public que je voyais quotidiennement, dont je comprenais les diffcultés, des enfants fragilisés presque à tous points de vue, socialement, fnancièrement, au niveau de la santé, d’éducation. Vu de l’extérieur, on pense que Barvaux, Durbuy, c’est une région sans histoire parce qu’elle est belle et touristique. Mais il y a aussi toute une population invisible, que vous ne voyez que dans les supermarchés discount, des gens qui vivent parfois dans des campings, loin de tout. Ces familles sont souvent en gros décalage par rapport à la société, déséquilibrées sur tous les plans, même le rythme de vie. Ce handicap social est fortement porteur de discriminations. Ce qui est plus grave, c’est que ces gens reproduisent de génération en génération des situations où les enfants ont pour repères le chômage, la violence conjugale, le surendettement, une hygiène de vie défaillante, des retards cognitifs, des liens manquants avec les parents, l’absence d’un père, ils partent avec un énorme handicap, sortent sans CEB de l’école, c’est un fameux cercle vicieux ! Nous donnons des repères à des gens qui n’en ont plus, qui pensent que c’est un fardeau d’être parents ou qu’avoir des enfants permet surtout d’obtenir des allocations familiales. »

Une seconde famille

Depuis quelques mois, La Maison Source n’accueille plus seulement les mères avec leur enfant mais aussi les pères qui le souhaitent. À côté des précieux conseils reçus, il y a des ateliers pour plein de petites choses du quotidien qui nous paraissent évidentes : préparer un repas, langer un bébé, lui faire un biberon, prendre soin de soi, se déplacer pour aller chez le médecin… « Nous sommes une seconde famille », glisse Marie, avec l’émotion qui guide sa démarche.

L’asbl travaille de manière particulière : à côté de ceux qui viennent la trouver spontanément, elle agit surtout en complément des institutions partenaires « classiques » (ONE, CPAS, maisons médicales, aide aux justiciables, planning familial, services de logement et d’emploi). C’est un dialogue permanent : tantôt, les familles sont renvoyées vers ces institutions ; tantôt, ce sont leurs travailleurs sociaux qui « repèrent » les besoins spécifques du public cible et les orientent vers La Maison Source. Qui a mis au point un outil d’évaluation permettant de repérer les problèmes spécifques à chaque famille. D’une certaine façon, cette association se glisse dans les interstices de l’aide sociale, dans des domaines où personne n’est là pour accompagner ceux qui n’ont pas les codes sociaux. « C’est un public très marginalisé, qui ne souhaite pas être tellement en contact avec l’extérieur. Alors, les gens ont rapidement tendance à se refermer sur eux-mêmes et à fermer leurs portes s’ils sont face à des gens qui incarnent une forme d’autorité comme le CPAS ou l’ONE. Nous n’avons pas cette image, donc ils nous font plus confance. »

Aujourd’hui, La Maison Source a (malheureusement, devrait-on dire) tellement bien trouvé sa place dans le paysage de la province de Luxembourg, où l’équipe accompagne au quotidien une septantaine de personnes - enfants et adultes confondus - par semestre, que Marie a désormais le projet de créer une antenne de sa maison à Bastogne, ce qui correspond évidemment à un bassin de vie plus important et donc à une demande plus grande. Comme écrivait le grand poète Paul Valéry, « Si nous aimons faire le bien, nous faisons ce que nous aimons. »

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Fanny réapprend les gestes du quotidien à La Maison Source.

Témoignage
« J’aime bien l’ambiance de La Maison Source, ma flle aime bien venir, elle rencontre d’autres enfants car elle n’a pas accès aux crèches, ça lui permet d’avoir accès à des activités de son âge (la dernière fois, on a fait de la plasticine). Ça renforce les liens avec ma flle, ce sont des petits moments privilégiés. À la maison, elle ne dormirait pas comme ça sur moi, quand je rentre, je suis apaisée. Venir, cela m’a aussi permis de voir comment mettre mon enfant à la sieste, de comment faire les petits pots… »
Fanny





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